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l’Amérique du Nord, de nos jours en Australie, que le développement de la population et des richesses a été le plus extraordinaire et le plus prompt. « Une colonie d’hommes civilisés, a dit Adam Smith, qui prend possession ou d’un pays désert, ou d’un pays si faiblement peuplé que les naturels font aisément place aux nouveaux colons, avance plus rapidement qu’aucune autre société humaine vers un état de grandeur et d’opulence. » Et le célèbre économiste explique très clairement que ces premiers colons, appliquant sur une terre facilement acquise et presque exempte d’impôts les procédés de culture les plus perfectionnés, réalisent immédiatement de larges profits, que l’abondance des profits amène la hausse des salaires, que la hausse des salaires appelle les ouvriers du dehors, que le bien-être général et l’accroissement de la population s’ensuivent naturellement, et que la colonie nouvelle arrive ainsi à la prospérité et à l’opulence.

Quand il traçait ce brillant tableau, Adam Smith avait devant les yeux les colonies anglaises de l’Amérique du Nord, dont la fortune, ainsi qu’il le faisait remarquer avec raison, devait être attribuée, non point seulement aux excellentes conditions du climat et du sol, mais encore à l’influence d’une législation libérale. Toutefois cette argumentation, par laquelle il démontre les avantages d’une colonie nouvelle se formant de toutes pièces avec l’élément européen, est plutôt l’explication d’un fait que l’exposé d’une doctrine. La colonisation purement européenne a réussi, par ses seules ressources, dans l’Amérique du Nord, parce que le climat s’y prêtait facilement au travail de la race blanche. Il en a été de même pour la Californie et pour l’Australie, dont on ne pouvait encore, au temps d’Adam Smith, entrevoir les merveilleuses destinées. Tout ce que l’on doit inférer de ces exemples, c’est qu’une métropole à la recherche d’une colonie doit choisir de préférence une région où elle n’ait à combattre ni la résistance d’une nation indigène ni les obstacles naturels que lui opposerait un sol ingrat ou un climat insalubre, la population et la richesse se multipliant avec une grande rapidité sur une terre libre et vierge, pourvu qu’elles ne soient point entravées par de mauvaises lois. Mais toutes les régions où se porte l’entreprise européenne ne se trouvent point dans ces conditions privilégiées, et, pour être complète, l’étude des questions coloniales doit s’attacher principalement à résoudre les problèmes difficiles que présente l’établissement d’une métropole dans un pays déjà occupé, où se rencontrent des élémens hostiles, qu’il faut convertir en instrumens de production et de richesse. Il ne suffit pas de considérer les colonies où tout a été créé à l’aide des ressources importées de la mère-patrie; il convient aussi d’examiner les colonies mixtes, c’est-à-dire celles où les immigrans d’Europe sont venus s’établir à