Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 44.djvu/238

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

crédit public. M. Minghetti a parcouru ce champ immense, où viennent se rencontrer et s’exprimer sous la forme la plus positive les grands intérêts du pays, avec une aisance et une supériorité remarquables. Son exposé financier, par l’abondance de connaissances et la fécondité d’esprit qu’il y a déployées, ferait honneur à un chancelier de l’échiquier d’Angleterre. Cet important discours est une nouvelle preuve donnée à l’Europe des brillantes aptitudes qui distinguent les hommes qui sont à la tête de l’Italie. M. Minghetti estime qu’il lui faudra quatre années pour rétablir l’équilibre dans le budget italien, et parmi les ressources qu’il juge nécessaires pour arriver à ce résultat figure un emprunt de 700 millions dont le projet est en ce moment discuté dans le parlement de Turin. Quand et sous quelle forme cet emprunt sera-t-il émis ? Il doit être si prochain que toutes les conjectures à cet égard sont oiseuses. Ce qui nous paraîtrait le plus sage, c’est que l’emprunt fût émis en une seule fois et non point divisé. Les besoins du trésor n’en réclamant pas la réalisation totale, on pourrait en diviser les termes de paiement et les échelonner sur une longue période. Par là, l’emprunt paraîtrait plus léger aux diverses places qui le souscriraient, et les fonds italiens, qui ne seraient plus menacés d’une prochaine émission de rentes, prendraient leur élasticité naturelle. Dans tous les cas, on peut prédire que le prochain emprunt sera accueilli avec faveur par le public français. Nous ne pouvons point entrer ici dans le détail du plan financier de M. Minghetti. Nous le croyons sainement conçu : comme il arrive toujours en pareille matière et surtout lorsque le champ des prévisions embrasse quatre années, il est probable que certaines prédictions de M. Minghetti ne seront pas entièrement réalisées, tandis que d’autres seront dépassées. En somme, nous avons bonne idée de l’avenir financier de l’Italie. Là aussi, comme en Angleterre et en France, les finances auront le secours imprévu de cet accroissement de la richesse publique et de l’augmentation des revenus indirects qui accompagnent le développement des chemins de fer. Dans quatre années, à la date que M. Minghetti assigne à l’avènement des budgets équilibrés, le réseau de la péninsule sera bien avancé, et l’on entrera aussi dans la période du grand accroissement des revenus indirects.

Nous voyons des peuples partis bien après nous, comme l’Italie, jouir des effets pratiques de la parole publique dans le jeu des institutions parlementaires. Pour nous, durant notre temps de pénitence, nous n’avons plus de récréations d’éloquence que dans les solennelles séances de l’Académie française. Celle où M. Albert de Broglie vient de prononcer son discours de réception marquera dans l’histoire de l’Académie. M. de Broglie y a révélé au public ce talent d’orateur que ses amis lui connaissaient depuis longtemps. L’Académie a entendu rarement un aussi beau discours. Un souffle puissant, un art de composition qui discipline sans le gêner un esprit vigoureux et fin, un accent de conviction sincère, une loyauté de pen-