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sée qui rafraîchissent l’âme de ceux mêmes qu’animent des convictions contraires et les excitent à des émulations généreuses, voilà les qualités qu’ont pu apprécier l’autre jour les auditeurs favorisés de M. Albert de Broglie. Le père Lacordaire a été cette fois dignement compris et loué par un esprit bien différent du sien, et qui cependant n’est point exempt de quelques-unes des inconséquences dont l’entraînant prédicateur nous a donné le spectacle. Ce sont, avec des tempéramens divers, deux catholiques et deux libéraux. La foi ardente et ferme unie à un généreux amour de la liberté, est-ce une inconséquence ? Nous sommes bien loin de le croire, et cependant on serait tenté de trouver en défaut la logique de M. Albert de Broglie lorsqu’on le voit réclamer au nom de la liberté de conscience la durée de la théocratie à Rome ; mais ce n’est point le lieu de soulever un tel débat. On regretterait plutôt, avec M. Saint-Marc Girardin, que les événemens politiques aient enlevé M. de Broglie à la carrière qui semblait l’attendre ; on regretterait qu’il n’ait point pu défendre au sein d’une assemblée publique ses opinions religieuses ; entre ce champion de la papauté temporelle et un défenseur intrépide de la liberté civile et religieuse, quelle grande et noble lutte on se plaît à rêver !


E. FORCADE.



REVUE MUSICALE.

Si le monde s’agite et s’inquiète de l’avenir, ce n’est pas le cas des théâtres lyriques de Paris, qui ne demandent qu’à vivre, comme ils vivent depuis deux mois, avec de vieux ouvrages dont le public n’est jamais las. La Muette de Portici ne cesse d’attirer à l’Opéra une foule d’amateurs, d’oisifs et de courtisans du succès qui font sa fortune. Le théâtre de l’Opéra-Comique ne peut se détacher de la Dame Blanche et de Lalla-Roukh, qui lui donnent de si belles recettes, et le Théâtre-Lyrique épuise le pauvre Faust, qui n’en peut plus, en attendant que l’administration nous serve la musique de Cosi fan tutte, rafraîchie et arrangée au goût du jour sur un canevas de Shakspeare. Ce sera bien joli sans doute et bien piquant que de voir l’esprit des dramaturges français venir au secours du génie de Mozart ! Il n’y a que M. Carvalho pour avoir de ces idées ingénieuses ; il a déjà fait ses preuves dans ce genre d’industrie en bouleversant, il y a quelques années, le libretto de Fidelio.

Au Théâtre-Italien, il y a plus que du nouveau, il y a de l’imprévu. M. Calzado, qui depuis dix ans possède le privilège d’arranger et de déranger les chefs-d’œuvre de l’école italienne pour le plus grand amusement du public parisien, a donné sa démission, et une autre administration, assure-t-on, sera bientôt chargée de relever cette école du bel art de chanter,