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ne devaient plus espérer l’accroissement de leur empire. Les travailleurs libres, dont la multitude augmente si rapidement dans la république américaine, allaient peser de plus en plus sur leur frontière, ils allaient peut-être pénétrer dans les territoires du sud-ouest et faire concurrence aux propriétaires d’esclaves pour la production du coton. Enserrée dans un cercle toujours plus étroit, la puissante aristocratie du sud était condamnée à la mort lente de l’étouffement.

Mieux valait pour les chevaliers du cercle d’or jouer le tout pour le tout et risquer la perte soudaine de leurs privilèges en essayant de reconstruire l’Union à leur profit. Insoucieux de la constitution qui les avait abrités si longtemps et qu’on pouvait maintenant retourner contre eux, violateurs des lois qu’ils avaient eux-mêmes dictées, et qui prononçaient désormais leur condamnation, ils déchirèrent l’ancien pacte fédéral, sans attendre que les vainqueurs eussent porté la moindre atteinte aux garanties légales de l’institution servile, sans attendre même que fussent expirés les pouvoirs de M. Buchanan, le président qu’ils avaient fait élire. Les républicains du nord n’étaient pas encore revenus de leur stupeur, que déjà la scission était consommée. On sait maintenant, à n’en pouvoir douter, que les rebelles ne voulaient point s’en tenir à la proclamation de leur indépendance, mais que leur ambition était de fonder au profit de l’esclavage une nouvelle union sur les ruines de l’ancienne. Protégés par le roi Cotonet convaincus de la toute-puissance de l’intérêt, ils comptaient fermement sur la complicité de la France et de l’Angleterre dans leur œuvre de reconstruction ; quant au peuple des États-Unis, ils espéraient pouvoir le capter par les moyens qui leur avaient si souvent réussi dans le congrès. Aux états du centre, ils vantaient les bénéfices que procure l’élève des nègres destinés aux marchés du sud ; aux états de l’ouest, ils promettaient les avantages du libre échange ; à la Pennsylvanie et à New-York, ils offraient l’appât du lucre.

Les six petits états de la Nouvelle-Angleterre devaient être les seuls à être exclus, comme indignes, de la confédération esclavagiste. C’est que les partisans zélés de l’émancipation, qui se trouvent principalement dans ces états, s’appuient, eux aussi, sur un principe, la liberté, et n’ont jamais eu l’idée chimérique d’opérer un compromis avec les planteurs. Rendus clairvoyans par l’habitude de la pensée, ces hommes, auxquels on refusait tout sens pratique, sont les seuls parmi les gens du nord qui n’ont pas été pris au dépourvu et ne se sont pas trompés sur le résultat final de la séparation. À la nouvelle du bombardement et de la reddition du fort Sumter, l’émotion fut indicible dans toutes les villes du nord, et des comités de défense s’or-