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mation la plus radicale. Un royaume de 1815 à Varsovie ne serait peut-être qu’un danger de plus; ce serait ce foyer d’attraction dont je parlais, qui exercerait une magnétique influence sur la Galicie. Ce qui serait dans l’intérêt de l’Autriche, si elle acceptait résolument les conséquences de cette pensée, ce serait la vraie, l’ancienne Pologne reconstituée dans sa complète indépendance, et servant, comme on l’a dit, de coussin, de tampon entre les deux empires. Et l’Autriche n’est-elle pas aujourd’hui dans la meilleure condition pour entrer dans cette voie où, en se débarrassant de toutes les compromettantes dominations, elle peut se créer des destinées nouvelles? D’abord elle est désormais trop suspecte à la Russie par suite de la neutralité qu’elle observe vis-à-vis de l’insurrection du royaume pour revenir à une politique de complicité et de solidarité. Et puis elle a bien assez souffert de ces situations fausses où tout un empire est obligé de peser sur une nation pour ne point chercher ailleurs sa grandeur et sa sécurité.

Chose curieuse, l’Autriche se trouve aujourd’hui vis-à-vis de la Russie dans la même condition où se trouvait l’empereur Nicolas vis-à-vis de l’Autriche en 1846, après les massacres de la Galicie. À cette époque, il n’eût tenu peut-être qu’à l’empereur Nicolas de faire oublier les excès de sa politique en se présentant comme le protecteur des Slaves, des Polonais de la Galicie et du grand-duché de Posen, en acceptant alors le rôle ambitieux que le marquis Wielopolski, dans un sentiment de vengeance contre l’Autriche, faisait briller à ses yeux. Aujourd’hui c’est la même occasion qui s’offre à l’empereur François-Joseph. L’Autriche peut se faire une grandeur nouvelle en reprenant son rôle en Orient, en associant ses destinées à l’émancipation de la race slave, à une reconstitution de la Pologne, et par une coïncidence plus bizarre c’est elle qui peut prendre une influence libérale en Allemagne en présence des défaillances de la Prusse. L’Autriche peut d’autant mieux regarder cet avenir en face, que sur ce terrain les causes d’antagonisme entre la France et elle disparaissent ; il ne reste plus que des possibilités d’alliance, des intérêts communs. Quant à la France évidemment, sa politique ne peut être qu’ardemment, énergiquement favorable à tout ce qui relèvera, fortifiera ou garantira la Pologne, cette alliée de tous les temps. On a traité légèrement d’autres époques où cette question s’est élevée et où le sentiment populaire eût inspiré et soutenu une action plus résolue en faveur de la Pologne. On a eu du dédain pour ces déclarations parlementaires obstinées : « La nationalité polonaise ne périra pas. » D’abord ces affirmations du droit par un grand peuple ne sont jamais inutiles. En outre on ne songe pas qu’au moment où la question polonaise s’élevait pour la pre-