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gens à Aladja, afin d’aller visiter, dans les montagnes voisines, une belle tombe formée d’un portique creusé dans le roc, et de deux chambres funéraires pratiquées aux deux extrémités de cette galerie. Parmi les tombeaux antiques que j’ai visités en Asie et en Grèce, celui-ci est certainement un des plus imposans que j’aie jamais rencontrés. La hauteur de ce tombeau au-dessus du fond de la vallée, les grands rochers qui l’entourent et l’encadrent, les trois puissantes colonnes d’un dorique tout primitif, les ombres noires qui dessinent le portique au milieu de cette large surface tournée vers le midi et toujours en pleine lumière, enfin le beau ton rouge que la pierre a pris avec les siècles, tout cela donné à Gherdek-Kaïasi (c’est le nom que porte ce site dans le pays) un caractère des plus frappans. Sans y rien changer, on en ferait une splendide aquarelle. Le roc n’est pas ici doré comme les vieux marbres, mais il s’est peint d’une couleur plus vive encore, qui, par places, rappelle la couleur chaude et sanguine des baies dont s’empourprent à l’automne nos broussailles.


III

Le 18 novembre, deux heures et demie de chemin nous conduisent à Euiuk, hameau d’une trentaine de maisons où nous avons à étudier les ruines intéressantes, à peine entrevues par MM. Hamilton et Barth, d’un grand édifice de style purement asiatique. Par sa situation sur un monticule de forme carrée qui se dresse au milieu de la plaine, par ce que l’on découvre du plan général et par le caractère des bas-reliefs qui décoraient le soubassement, ce curieux monument rappelle tout à fait les palais qu’ont découverts MM. Botta et Layard sous les monticules de Khorsabad, Nimroud et Kouioundjik, auprès de Mossoul. Ici malheureusement, comme à Khorsabad, le village moderne est construit sur l’emplacement même du palais, et pour y entreprendre des fouilles qui rendraient au jour tout ce qui peut rester de l’édifice sous les terres amoncelées, il faudrait commencer par exproprier les habitans et par jeter bas toutes leurs maisons. Ce n’était pas au terme de notre voyage et au commencement de l’hiver que nous pouvions songer à une pareille entreprise ; nous dûmes donc nous borner à dégager, par des travaux rapidement conduits, la façade méridionale tournée vers la plaine : c’est évidemment là que se trouvait l’entrée principale. On franchit encore, pour entrer dans le village, l’ancienne porte du palais ; aux deux côtés du seuil antique, qui demeure en place, usé par les pas des générations humaines qui le foulent depuis des milliers d’années, se dressent debout deux grands sphinx