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sont, — outre la Bataille de Jemmapes et la Barrière de Clichy, qui figuraient l’une et l’autre à l’exposition particulière de 1822, — les batailles de Valmy, de Hanau et de Montmirail, c’est-à-dire des tableaux antérieurs à la plupart des toiles signées de son nom qui ornent aujourd’hui le musée de Versailles. Certes la seconde manière du peintre, — si tant est qu’on puisse qualifier ainsi des modifications résultant beaucoup moins d’un parti-pris de transformation que des conditions nouvelles imposées par les sujets et par les vastes dimensions des cadres, — certes cette habileté plus confiante en soi, plus surprenante, si l’on veut, que par le passé, ne fait à bien des égards que continuer les habitudes premières de ce talent et en multiplier les témoignages. Au point de vue de l’exécution brillante, de la facilité, de l’entrain, il y a même ici plutôt progrès que déchéance; mais aussi quelque chose de plus arbitraire dans les intentions, de plus artificiel dans le style, vient compliquer ce progrès et en compromettre l’autorité. Les élémens de chaque composition acceptés presque sans contrôle, rapprochés chemin faisant et au hasard de l’heure présente, l’ensemble de la scène et des lignes morcelé en une multitude de groupes épisodiques, les combinaisons de l’art enfin remplacées par les procédés de la chambre claire, les formes d’expression propres à un tableau par l’éloquence diffuse d’un panorama, — voilà ce qu’on rencontre souvent dans les œuvres relativement récentes d’Horace Vernet. Celles au contraire qui appartiennent à la première moitié de sa carrière se distinguent par une recherche, sinon très profonde, au moins suffisamment attentive, des moyens de coordonner les intentions partielles, de les faire tourner au profit de l’aspect général, d’en composer un tout.

La Bataille de Jemmapes, entre autres, et la Bataille de Valmy ont ce genre de mérite. Tout aussi empreintes de véracité, quant à la reproduction des détails caractéristiques, que les œuvres qui vont suivre, elles l’emportent sur celles-ci par la disposition pittoresque et peut-être faut-il ajouter par la certitude de l’exécution. Je m’explique : jamais sans doute le pinceau d’Horace Vernet n’a manqué de décision ni de savoir-faire. A l’époque en particulier où il courait si lestement sur les toiles destinées aux galeries de Versailles, il était arrivé à donner à chaque touche une apparence si nette que l’œil du spectateur devait, au premier aspect, voir en action la main du peintre et, pour ainsi dire, la prendre sur le fait; mais cette touche propre, délibérée, sûre comme un paraphe, cette manière sans repentir et sans rature s’accusent avec une complaisance qui fait tort à l’expression intime, à la vraisemblance même des objets qu’elles prétendent définir. On se préoccupe trop des moyens employés pour s’intéresser beaucoup au reste; on devine trop bien