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de l’Océan, des lignes de faîte ondulées qu’on n’aperçoit pas, des vallées larges et faiblement inclinées qu’on prend pour des plaines, des crevasses, des échancrures verticales a parois escarpées, des plateaux qui s’étagent pour descendre de terrasse en terrasse depuis le bord de la mer jusqu’aux plus profonds abîmes. Au dire des géologues, les chaînes dont la direction- est parallèle, telles que les Pyrénées et les Alleghanis, les Alpes principales et l’Himalaya, sont contemporaines d’un même âge de la terre et ont été produites par un même soulèvement, quoique situées sur des continens différens. N’est-il pas probable qu’elles sont réunies par des chaînes sous-marines dues aux mêmes causes, et que l’on retrouverait en prolongeant sous les eaux les lignes idéales de soulèvement ?

Pour mieux apprécier encore ce que doit être le relief du sol marin, supposons que la mer s’élève peu à peu au-dessus de son niveau actuel et envahisse les continens. À 1,000 mètres, l’Angleterre serait engloutie tout entière, et les îles britanniques se réduiraient à quelques récifs qui couronneraient les montagnes de l’Ecosse. La France aurait disparu, sauf quelques îlots dans les Vosges et le Jura, et un archipel de médiocre étendue dans les montagnes centrales de l’Auvergne ; les Pyrénées deviendraient une grande île ; les Alpes seraient un, petit continent. À 2,000 mètres, il n’y aurait plus au-dessus des flots que les massifs des Alpes et des Pyrénées ; la Corse, dont quelques sommets dépasseraient encore le niveau de la mer, serait transformée en trois ou quatre écueils très élevés. À 3,000 mètres, les Alpes et les Pyrénées se diviseraient en de nombreuses îles, et deviendraient des archipels ; puis, les eaux s’élevant encore, les espaces découverts se rétréciraient de plus en plus, et l’Europe entière disparaîtrait sous les flots. L’immense espace que recouvre l’Océan-Atlantique peut être considéré comme un continent caché dont nous découvrirons les formes en abaissant peu à peu, par la pensée, le niveau des mers. Les Açores, Madère, les Canaries, l’îlot San-Pedro, les Bermudes sont les sommités de ses plus hautes montagnes. Si l’on suppose que les eaux se retirent, à mesure que leur niveau descendra les surfaces sèches gagneront en étendue, lentement d’abord, puis d’autant plus rapidement que l’on atteindra les parties faiblement inclinées qui forment la base des montagnes. Les chaînes et les lignes de faîtes se découvriront ; les plateaux intermédiaires apparaîtront à la lumière du soleil, et l’Atlantique se divisera en plusieurs petites mers, en lacs séparés les uns des autres par les massifs de montagnes.

Ces idées ne sont pas nouvelles. Au siècle dernier, Ph. Buache[1]

  1. Voyez l’Essai de Géographie physique, où l’on propose des vues générales sur espèce de charpente du globe, composée de chaînes de montagnes qui traversent les mers comme les terres, dans l’Histoire de l’Académie royale des Sciences pour 1752.