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à Lucerne, il en est peu qui ne remarquent les couches arquées qui dominent Beroldingen, celles du Seelisberg, au-dessus de la célèbre prairie du Grütli, berceau de la liberté helvétique. Ce sont les feuillets septentrionaux du Saint-Gothard qui, en se renversant, ont refoulé ces couches calcaires. Sous cette énorme pression, elles se sont tordues et pliées comme une molle argile. Des contournemens semblables se voient souvent dans le voisinage des Alpes centrales, car le Saint-Gothard n’est pas le seul massif qui présente la structure en éventail. Le Grimsel, où l’Aar prend naissance, le Gallenstock, au-dessus du glacier du Rhône, le Gelmerhorn, situé entre les deux, le Mont-Blanc lui-même, en sont des exemples plus ou moins évidens, et cette structure est probablement commune à tous les massifs cristallins des Alpes qui se relient au Saint-Gothard. La description du groupe montagneux de Davos, par M. Studer, et les études de MM. Escher de la Linth et Théobald sur les Grisons et le Vorarlberg, se rattachent à celles du Saint-Gothard ; mais ces travaux descriptifs se refusent à l’analyse et n’ont d’intérêt que pour les savans de profession.

Dans un mémoire de M. Rutimeyer sur la géologie des rives septentrionales du lac de Thun, on trouve un beau modèle de ces paysages géologiques dont les Anglais nous ont donné les premiers l’exemple. Quand il s’agit d’une contrée limitée, au lieu d’une carte ou de coupes, on met sous les yeux du lecteur un paysage, une vue du pays coloriée. géologiquement, c’est-à-dire où les différens terrains sont indiqués par certaines teintes convenues. En présence de la nature, ce paysage géologique à la main, tout le monde peut se reconnaître et retrouver les limites des formations. Ainsi M. Rutimeyer nous présente la vue des bords du lac de Thun et des montagnes qui le dominent entre Ralligen et Merlingen. Par des couleurs appropriées, il nous montre que les collines qui dominent la tour de Ralligen sont formées de molasse et de nagelflue ; des grès occupent la partie moyenne de la montagne, et les sommets appartiennent au terrain nummulitique. Les vallées sont creusées dans le terrain crétacé.

Un géologue justement célèbre, Léopold de Buch, avait décrit en 1827 les porphyres rouges des environs de Lugano. Il donnait le nom de melaphyres aux porphyres noirs de la même contrée. Les porphyres sont aux yeux de tous les géologues des roches ignées, produites uniquement par le feu, comme les roches volcaniques du Vésuve ou de l’Etna. Ces roches éruptives se trouvent sur les bords du lac de Lugano au pied d’une montagne couronnée d’une, chapelle : c’est le mont Salvadore ; il se compose de dolomie ou calcaire contenant de la magnésie. Cédant à cet esprit de généralisation exagéré,