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étrangers, tous étaient d’accord pour porter le dernier coup à une monarchie qui se mourait ; mais les divisions commençaient dès qu’il s’agissait d’édifier quelque chose à la place.

L’Europe a vu tant de révolutions depuis soixante-dix ans que les événemens de ce genre n’offrent plus rien de nouveau et reviennent toujours à deux types bien connus, les mouvemens partant de la capitale à la façon française et les pronunciamentos débutant dans les provinces à la mode espagnole : c’est à ce dernier type qu’appartient la révolution de Grèce. Dans le courant du mois d’octobre 1862, on apprit à Athènes, avec certitude, qu’un mouvement était sur le point d’éclater en Acarnanie. Aussitôt le roi Othon, comptant que sa seule présence suffirait pour déjouer les projets révolutionnaires, résolut, malgré les conseils de ses ministres et ceux des légations étrangères, de se rendre à Missolonghi avec une frégate et quelques petits bâtimens, en visitant sur sa route les villes des côtes du Péloponèse. Il était à peine arrivé à Calamata, lorsque, le 14 octobre, le général Théodore Grivas, vieux capitaine de partisans, indiscipliné, ambitieux et avide, véritable seigneur féodal d’une grande portion de l’Acarnanie, que Colettis appelait jadis son « tigre en laisse, » insurgea la garnison de Vonitza, la réunit à ses pallikares, puis marcha sur Missolonghi, où il entra le lendemain sans coup férir et proclama la déchéance d’Othon Ier. Lépante et les deux châteaux de Roumélie et de Morée se prononcèrent en même temps, comme on dit en Espagne. Une barque porta à Patras la nouvelle des événemens d’Acarnanie ; cette importante place de commerce n’hésita point à se joindre au mouvement, et le 17 les principaux négocians, s’étant réunis, formèrent un gouvernement provisoire à la tête duquel fut placé M. Benizelos Roufos, l’un des plus grands propriétaires du Péloponèse. L’insurrection s’étendit de proche en proche sur les rivages du golfe de Lépante, sans rencontrer d’opposition nulle part, et atteignit enfin Corinthe, où le gouvernement avait intercepté le télégraphe électrique pour empêcher les nouvelles des provinces occidentales de parvenir à Athènes avant le retour du roi, que le ministre de l’intérieur, M. Chatziskos, était allé chercher en toute hâte sur les côtes de la Messénie.

Aussitôt maîtres de Corinthe, les révoltés envoyèrent à leurs amis d’Athènes des dépêches qui se répandirent immédiatement dans la ville. C’était le 22 octobre au matin ; toute la journée, la capitale de l’état hellénique présenta l’aspect de la plus vive agitation. Des rassemblemens tumultueux se formaient dans les rues, sur les places, et des orateurs montés sur des chaises y donnaient lecture des nouvelles reçues de Missolonghi, de Patras et de Corinthe. L’attitude des troupes était si peu douteuse qu’on n’osait pas les faire sortir de leurs casernes ; le cabinet, réuni au ministère de la guerre, délibérait,