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mais il ne parvenait à prendre aucune mesure de résistance, car il ne trouvait nulle part un point d’appui, et le bâtiment qui portait le roi, toujours attendu, n’apparaissait point à l’horizon. À sept heures du soir, les soldats donnèrent le signal de la révolte ouverte ; malgré les efforts des officiers supérieurs pour les retenir, ils parcoururent les rues en criant : « Vive la liberté ! à bas Othon ! » et fraternisèrent avec la population, qui commençait à s’armer. La révolution était accomplie.

En ces jours de péril, le peuple sut ne point se prêter aux excitations de certains hommes qui voulaient le pousser à d’autres excès. On n’eut à déplorer qu’une seule mort, celle du commandant du Pirée, M. Karayannopoulos, tué d’un coup de pistolet par un des conspirateurs de l’armée au moment où il essayait de haranguer ses soldats en faveur du roi. Malgré le désordre inévitable d’une crise de cette nature, on ne vit se produire aucun des faits honteux ou sanglans qui ont trop souvent souillé les troubles politiques de. diverses nations. Le palais ne fut pas pillé comme les Tuileries en février 1848 ; la nuit même du mouvement, tous les objets appartenant au roi et à la reine, argenterie et diamans, furent inventoriés par les chefs des insurgés, conjointement avec le secrétaire du roi, M. le baron de Wendland, et rendus aux souverains déchus. Les fermes de Liosia et de Tabakika, propriétés particulières de la reine, ne furent ni menacées de pillage, ni confisquées ; encore aujourd’hui elles sont paisiblement administrées pour elle par un homme d’affaires. Les serviteurs de la couronne et les ministres ne furent l’objet d’aucune violence personnelle ; tous les Allemands qui s’étaient établis dans le pays à la suite des souverains et qui voulurent y rester conservèrent leurs positions ; la colonie bavaroise d’Hiraklion ne fut point inquiétée. Au milieu même de la confusion du premier jour, des élémens de résistance à l’anarchie se groupaient spontanément et veillaient à la sûreté publique. Les étudians de l’université formaient sous le commandement de leurs professeurs, et d’après le conseil de M. Mavrocordatos, une légion académique, occupaient les portes de la ville, faisaient la police et contenaient les soldats débandés. En même temps la garde nationale s’organisait.

À côté de ces faits sérieux et honorables pour le peuple grec, on vit, dans la révolution d’Athènes, éclater le côté d’enfantillage dont est encore empreint le caractère de cette nation. À entendre la fusillade désordonnée dont la ville retentit sans interruption pendant la nuit du 22 au 23 octobre et la journée suivante, on eût pu croire qu’un combat des plus vifs se livrait dans les rues. Il n’en était rien cependant ; mais les Grecs, comme tous les Orientaux, ont la passion du bruit et surtout des coups de feu : pour eux, la révolution était un jour de fête, ils brûlaient de la poudre en signe de