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qui est purement et simplement le renversement de toutes les règles qui avaient jusqu’alors présidé à la politique des états européens[1]. »

Le roi Louis-Philippe faisait en même temps savoir aux cabinets étrangers, par l’organe du comte Molé, que cette déclaration de principes n’impliquait aucune pensée agressive, que la politique de la paix avait toutes ses préférences, mais aussi que la France n’hésiterait pas à tirer immédiatement l’épée, non-seulement si son droit de disposer d’elle-même lui était contesté, mais encore dans le cas où une intervention armée conduirait les drapeaux de l’étranger sur un point quelconque du territoire des nations voisines de ses frontières.

Ces communications aussi nettes qu’énergiques devaient trouver bientôt leur application pratique.

Le mois de septembre ne s’était pas écoulé qu’une révolution éclatait tout à coup en Belgique. Deux nationalités, deux religions entraient en lutte au sein même du gouvernement qui avait été constitué par les traités de 1815 comme une menace permanente contre notre frontière du nord.

La création du royaume des Pays-Bas appartenait tout entière au congrès de Vienne. La nature, la géographie, l’histoire, n’y étaient pour rien. Tout au contraire, mœurs, langue et religion, tout y constituait un antagonisme permanent.

C’était, à l’avant-garde de l’Europe, une image vivante et active de la coalition formée contre la France.

L’épreuve était décisive pour l’Europe comme pour la France.

Au premier bruit de l’expulsion des Hollandais de Bruxelles, le roi de Prusse, beau-frère du roi de Hollande, sous la double influence des sentiraens de famille et de la politique alarmée ou hostile de l’Autriche et de la Russie, venait d’ordonner à son armée de marcher vers la Belgique pour y favoriser un retour offensif du roi Guillaume d’Orange sur sa seconde capitale.

Le temps pressait. M. le comte Molé demande le lendemain de cette grave nouvelle une entrevue à M. le baron de Werther, ministre de Prusse, et, après avoir reçu de ce ministre la confirmation du rassemblement des troupes et des intentions de la cour de Berlin, il lui déclare au nom du roi que l’entrée d’un seul soldat prussien en Belgique serait le signal de la marche d’une armée française sur Bruxelles et du commencement de la guerre. « Prenez garde, ajouta-t-il, que nous n’avons pas posé en vaiu le principe de non-intervention, que nous ferons tous nos eiïorts pour le faire respecter de loin comme de près, mais que dès à présent nous sommes décidés à le maintenir sur nos frontières, et, s’il le faut, les armes à la main. La guerre, dit-il encore, est au bout de mes paroles ; sachez-le, et mandez-le à votre cour. »

  1. Dépèche du chargé d’affaires français à Vienne, septembre 1830