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A Berlin, M. le baron Mortier, ministre de France, tenait le même langage. « Ce serait à tort, disait-il à M. de Bernsdorff, qu’on chercherait à nous effrayer par l’idée d’armer l’Europe entière contre nous. Nous avons fait connaître aux puissances l’immuable volonté de sa majesté Louis-Philippe de concourir au maintien de la paix ; mais d’un autre côté nous ne reculerions pas devant la perspective de la guerre, si elle ne devait être évitée qu’au prix de la dignité nationale[1]. »

L’armée prussienne s’arrêta, et l’indépendance de la Belgique fut sauvée à sa naissance même.

Le succès de cette politique nationale ne s’arrêta point là. Les plénipotentiaires d’Autriche, de France, de la Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie, s’étaient réunis en conférence à Londres, sur la demande du roi des Pays-Bas, qui les invitait à délibérer de concert avec lui sur les meilleurs moyens de mettre un terme aux troubles qui avaient éclaté dans le royaume créé par les traités de 1815.

Les intérêts de la France obtinrent bientôt une première satisfaction sous l’influence du diplomate profondément habile qui la représentait. Le 20 décembre, la veille même d’une grande journée de justice et d’humanité qui sauva la tête des quatre ministres du roi Charles X en frappant leurs actes, un protocole, appuyé par le prince de Talleyrand et combattu par le plénipotentiaire hollandais, reconnaissait la séparation de fait de la Hollande et de la Belgique.

La majorité des puissances du congrès de Vienne avait entouré, il est vrai, cette déclaration de plus d’une réserve, inspirée par l’esprit même des traités de 1815 ; mais elles furent bientôt forcées d’y renoncer, et l’on put prédire dès ce jour-là qu’un avenir prochain verrait en même temps proclamer l’indépendance de la Belgique et briser la ceinture de fer dans laquelle les traités de 1815 avaient eu la prétention d’enfermer et d’étouffer la puissance de la France.

Le roi Guillaume, auquel les encouragemens secrets ne manquaient pas, en fournit bientôt l’occasion en recommençant la lutte avec la Belgique.

La France n’avait eu qu’à mettre la main sur la garde de son épée pour arrêter l’armée prussienne à la frontière belge et sauver une première fois cette sœur de langue et de religion contre les atteintes d’un puissant voisin. Elle dut alors tirer l’épée pour protéger Bruxelles contre le retour offensif du prince d’Orange, qui menaçait cette ville à la tête d’une armée plus nombreuse, mieux armée, plus aguerrie que ne pouvait être l’armée improvisée de l’indépendance belge.

La nouvelle de la dénonciation de l’armistice par le roi de Hollande était parvenue à Paris dans la soirée du 2 août 1831.

Le roi Louis-Philippe se trouvait alors aux prises avec les circonstances

  1. Dépêche de M. le baron Mortier à M. le comte Molé, 6 octobre 1830.