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tion morale. Le cabinet anglais ne peut plus se laisser amuser et jouer. On a eu une idée de l’irritation contenue de l’Angleterre dans la récente séance de la chambre des communes, où M. Disraeli s’est plaint avec amertume du silence gardé par le ministère sur la négociation, et des concessions peu dignes que le bruit public attribuait au cabinet. Lord Palmerston, depuis le commencement de la question danoise, a déclaré avec netteté et à plusieurs reprises que la base choisie par l’Angleterre dans la négociation serait le traité de 1852 et par conséquent l’intégrité de la monarchie danoise, M. Disraeli, aux applaudissemens de la majorité visible de la chambre, a reproché au ministère d’avoir, par faiblesse, abandonné la politique choisie d’abord par lui comme celle de l’Angleterre, et, en présentant un plan de partage du Slesvig, de travailler lui-même au démembrement du Danemark. Nous croyons que M. Disraeli n’a pas été assez exactement informé de la teneur de la proposition anglaise ; lord Russell n’a offert de séparer la portion allemande et la portion danoise du Slesvig qu’afin de constituer un Danemark plus homogène et de l’affranchir des dangers et des ennuis d’une querelle de race. D’ailleurs lord Russell a parfaitement réservé la validité du traité de 1852 pour le cas où l’Allemagne n’accepterait point la transaction offerte. Quoi qu’il en soit, c’est pour le cabinet anglais un intérêt vital de terminer d’une façon passable la question danoise. Si M. de Bismark, si M. de Beust se refusent à la proposition anglaise, ils auront la gloire de faire arriver sur-le-champ une flotte anglaise dans les eaux danoises, et ils ajouteront peut-être à cette gloire la satisfaction d’être les auteurs de la chute du cabinet de lord Palmerston. Nous avons dit le coup qui a été porté à la solidité du ministère par le discours de M. Gladstone sur la réforme électorale ; on a obtenu du chancelier de l’échiquier une atténuation de sa manifestation radicale ; M. Gladstone a publié son discours en y ajoutant une préface où il s’excuse un peu sur la chaleur prime-sautière de l’improvisation, où il ajourne l’accomplissement de la réforme demandée par lui, où il lègue la solution pratique de cette controverse à une autre génération. On a essayé de représenter son impétueuse sortie comme un faux départ. Il est douteux que ces apologies et ces demi-rétractations aient apaisé les conservateurs du parti whig et aient enlevé au parti tory l’avantage que lui a donné dans la politique intérieure le manifeste intempestif de M. Gladstone, lin échec éclatant de politique extérieure arrivant au milieu d’une telle disposition des esprits achèverait le ministère. Le parti tory, comme on en parle déjà, pourrait proposer un vote de refus de confiance contre le cabinet avec de grandes chances de succès. Dieu fasse, dans l’intérêt de la paix, que la fantaisie de renverser lord Palmerston ne séduise point l’imagination aventureuse de M. de Bismark !

Les questions intérieures doivent naturellement chômer en France au lendemain de la clôture d’une session. Un fait récent vient cependant d’allumer dans une sphère élevée une vive et intéressante polémique : nous voulons parler de la mesure de M. Duruy qui a retiré à M. Renan sa chaire