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l’un tend à la pratique, celle de l’autre à la contemplation ; mais ils ont tous deux le même sentiment profond de la réalité ; ils témoignent pour les routes battues le même éloignement, poussé parfois jusqu’à l’injustice ; ils considèrent tous deux, avec un dédain que je ne partage pas, les travaux estimables qui, de près ou de loin, ressemblent au devoir d’un bon écolier, et pour ajouter enfin un dernier trait qui leur est commun, tout ce qui dans la science ne leur semble pas clair n’existe pas à leurs yeux. M. Léon Foucault se sent capable d’inventer ; absorbé par l’exploitation de ses idées, qu’il creuse consciencieusement, sans se décourager jamais, il ne se croit pas toujours le temps d’amasser des vérités dont l’usage semble encore lointain, et pour combler les lacunes d’une instruction mathématique très solide, mais peu étendue, il attend systématiquement que le besoin s’en fasse impérieusement sentir.

On lit dans Galilée un passage très curieux où, après avoir énoncé le principe des vitesses virtuelles, il déclare, pour toute démonstration, que quiconque niera le théorème ou conservera seulement le plus léger doute prouvera qu’il ne comprend rien à la théorie des machines. M. Foucault prononce avec la même conviction des anathèmes du même genre contre ceux qui contestent l’exactitude de ses conceptions ; il va tout droit où le conduit sa vue, et comme il est fort clairvoyant, il n’admet pas qu’on le soit moins que lui : ses contradicteurs sont pour lui rebelles à la vérité, et il les accuse de nier l’évidence. S’il se trompait souvent ou seulement quelquefois, on pourrait lui reprocher l’ignorance volontaire des formes classiques ; mais ses assertions, qui ont tant occupé les géomètres, s’étant toujours trouvées exactes, je vois dans cette ignorance même la preuve d’un mérite original et très supérieur.


I.

La première invention mécanique de M. Foucault est l’éclatante démonstration qu’il a donnée du mouvement de la terre, en le rendant sensible à tous les yeux au moyen d’un pendule librement suspendu à un fil. L’influence que la rotation de la terre devrait exercer sur les phénomènes observables à sa surface a été l’une des premières objections adressées à Copernic. On énumérait des conséquences très dures à admettre, qu’il semblait impossible d’éviter après avoir accepté le principe ; mais ses partisans ont facilement dissipé ces vaines et chimériques préoccupations, et fait triompher la vérité par des réponses complètement décisives. Ils ont montré que, malgré la rotation de la terre, les oiseaux peuvent s’élever au plus haut des airs et redescendre tranquillement vers leur nid sans