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que chaque minute les en éloigne de plusieurs lieues, qu’une pierre lancée verticalement de bas en haut ne doit pas retomber à une centaine de pas vers l’ouest, et qu’une armée peut envoyer des balles et des boulets de canon, des flèches même et des javelots contre un ennemi situé à l’est, sans que la rotation de la terre le dérobe à ses coups. Galilée a répondu à ces objections, mais il a légèrement dépassé le but : suivant lui, tous ces phénomènes sont absolument illusoires, et le mouvement rapide qui nous emporte tous est rigoureusement et mathématiquement insensible.

Si la terre était entraînée par un mouvement de translation, quelque rapide qu’on voulût le supposer, pourvu qu’il fût uniforme, il n’exercerait aucune influence, petite ou grande, sur les phénomènes qui s’accomplissent autour de nous ; mais la terre tournant autour de son axe, cette rotation doit produire de petites perturbations qui n’ont été analysées que plus tard et peu à peu, et dont M. Foucault a montré pour la première fois les effets avec une incontestable évidence.

Varignon paraît avoir signalé le premier, en 1707, la contradiction géométrique des lois de Galilée sur la chute des corps avec l’hypothèse de la rotation de la terre et celle d’une pesanteur constante ; il se borne à montrer que la réunion de ces trois hypothèses implique contradiction sans oser décider celle qui doit être modifiée, et sans indiquer même ses conjectures : il est à croire d’ailleurs que s’il se fût prononcé, il n’eût pas bien choisi ; son ouvrage sur la cause de la pesanteur le montre fort mal préparé à traiter de telles questions. On voit sur le frontispice une petite vignette fort élégante représentant deux personnages, un militaire et un religieux, auprès d’un canon braqué vers le zénith ; ils regardent en l’air comme pour suivre le boulet qui vient d’être lancé. Sur la gravure même on fit ces mots : « Retombera-t-il ? » Le religieux est le célèbre père Mersenne, et son compagnon est M. Petit, intendant des fortifications. Ils ont répété plusieurs fois cette dangereuse expérience, et comme ils ne furent pas assez adroits pour faire retomber le boulet sur leur tête, ils crurent pouvoir en conclure qu’il était resté en l’air, où sans doute il demeurerait longtemps. Varignon ne conteste pas le fait, mais il s’en étonne : « Un boulet suspendu au-dessus de nos têtes, en vérité, dit-il, cela doit surprendre ! » Les deux expérimentateurs, s’il est permis de les nommer ainsi, firent part à Descartes de leurs essais et du résultat obtenu : on sait que l’intrépide philosophe ne demeurait jamais court ; c’était un oracle toujours prêt qui répondait à tous et à tout. Il ne vit dans le fait supposé exact qu’une confirmation de ses subtiles rêveries sur la pesanteur. Plus d’un siècle après, d’Alembert, qui analysa très net-