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tement le phénomène, calcula la déviation du boulet, en faisant abstraction de la résistance de l’air. Un projectile lancé verticalement de bas en haut avec une vitesse de 1,800 pieds par seconde, doit être dévié vers l’est et retomber à 600 pieds de son point de départ, et c’est, suivant lui, pour l’avoir cherché trop près que Mersenne et Petit n’ont pas retrouvé leur boulet ; mais cette explication n’est pas même admissible : la résistance de l’air, négligée par d’Alembert, exerce une très grande influence. D’après les calculs de Poisson, une balle de fusil lancée avec une vitesse de 400 mètres par seconde, qui dans le vide retomberait à 50 mètres de son point de départ, ne serait déviée dans l’air que de quelques centimètres. L’expérience de Mersenne prouve donc seulement la difficulté de lancer un boulet dans une direction rigoureusement verticale : une balle de fusil serait plus facile à diriger, mais l’erreur de pointage, ajoutée à l’influence des courans d’air, produirait certainement des déviations plus considérables encore que celles qu’il faut mesurer. D’Alembert indiqua dans la même dissertation les effets du mouvement de la terre sur les projectiles lancés dans une direction quelconque et sur la chute verticale d’un corps pesant abandonné à lui-même. Laplace a repris la question dans la Mécanique céleste, et trouvé des résultats semblables. L’illustre Gauss s’en est également occupé. Poisson enfin y a consacré deux longs mémoires, dont la conclusion générale est que les déviations sont toujours fort petites et exigeraient pour être constatées des expériences minutieuses, presque toutes irréalisables.

Les plus célèbres et les plus exactes ont été faites, en 1833, dans les mines de Freyberg par M. le professeur Reech ; il laissait tomber librement un poids et mesurait la déviation vers l’est ; la hauteur de chute était de 158 mètres ; la moyenne de cent six expériences a donné une déviation de 28 millimètres environ et trop faible pour être dégagée avec certitude de toutes les influences perturbatrices, en sorte que l’évidence du résultat n’est pas assez frappante pour fermer la bouche aux incrédules. C’est à l’occasion de faits de ce genre et des déductions logiques qui y conduisent que Laplace écrivait : « Quoique la rotation de la terre soit établie avec toute la certitude que les sciences physiques comportent, une preuve directe de ce phénomène doit intéresser les géomètres et les astronomes. » Cette preuve sans réplique, M. Foucault l’a apportée à l’Académie des sciences le 3 février 1851, et comme l’avait prévu Laplace, elle intéressa vivement les astronomes et les géomètres : elle n’apprit à personne que la terre tourne et que sa rotation peut modifier les phénomènes dynamiques à la surface, mais elle en montra un effet très net, très facile à observer, et qui, grandissant