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rait le projet d’Arago comme une ingénieuse et brillante chimère. M. Foucault l’a réalisé, il a renvoyé le rayon dans une direction fixe en rendant par là l’expérience très facile et très sûre. C’est à Arago que revient sans contredit l’honneur des belles conséquences qui s’en déduisent et qu’il avait prévues, mais sans M. Foucault nous les attendrions peut-être encore. Après avoir atteint le but et forcé l’admiration des plus difficiles, lui seul ne fut pas satisfait. « Il est douteux, disait-il, que les expériences faites à la surface de la terre puissent déterminer jamais la vitesse de la lumière avec la même exactitude que la discussion des observations astronomiques. » Ce doute l’a tourmenté pendant treize ans, et de perfectionnement en perfectionnement, il est parvenu enfin à assigner une vitesse de 72,500 lieues par seconde que les physiciens ne contestent pas, et que les astronomes les plus autorisés acceptent comme base de calculs importans, qui ne vont à rien moins qu’à diminuer de plus d’un million de lieues la distance présumée de la terre au soleil.

Citons encore, sans y insister, puisque la mécanique seule nous occupe, l’interruption des courans électriques obtenus en faisant plonger dans un bain de mercure, recouvert d’une couche d’alcool, le conducteur mû par un ressort métallique qui vibre sous l’influence d’un électro-aimant en fermant et rétablissant le courant avec une régularité parfaite une soixantaine de fois par seconde. La substitution de cet interrupteur aux pièces solides qui, dans les mêmes conditions, seraient hors de service en quelques minutes, est l’une des inventions qui ont permis au célèbre et habile M. Ruhmkorff la construction de ses beaux appareils d’induction. Il est impossible enfin de ne pas rappeler, en terminant, l’appareil régulateur de la lumière électrique qui, construit d’abord pour imiter le soleil dans le troisième acte du Prophète, a été trop souvent employé depuis pour que l’on songe encore à en citer l’inventeur. Ces travaux si divers montrent tous l’alliance heureuse et bien rare de deux qualités que M. Foucault possède excellemment : la pratique la plus délicate et la plus ingénieuse, unie aux vues théoriques les plus exactes et les plus sûres.

Les industriels ont profité de ses inventions ; les géomètres les ont prises pour thème de calculs justement admirés ; mais ses assertions premières ont été confirmées ; elles subsistent dans toute leur étendue, et il serait injuste d’oublier ou de méconnaître les idées simples dont elles sont nées. Quoique la renommée de M. Foucault soit égale à son mérite, on n’a pas jusqu’ici rendu pleine justice à son esprit éminemment mathématique. Les mathématiques, considérées comme un pur exercice de l’intelligence, l’avaient d’abord peu attiré, et il n’est pas impossible que les vérités abstraites les plus