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toutes plus anciennes que l’expulsion des rois. Champêtres ou guerrières, elles servent admirablement à nous faire connaître ce peuple de laboureurs et de soldats. Nous voilà donc ramenés par les fastes jusqu’aux temps les plus obscurs de l’histoire de Rome, et nous sommes sûrs, grâce à eux, d’avoir entre les mains un monument certain d’une époque qui a laissé si peu de traces d’elle-même, et que les historiens nous racontent à leur fantaisie. La partie écrite en petits caractères n’a guère moins d’intérêt : c’est le calendrier de l’empire. Que d’études de mœurs on peut y faire! et que penser d’un régime qui avait accoutumé les hommes à une pareille servilité? Le nom d’Auguste remplit les fastes de Préneste. On fête tous les événemens de sa vie privée comme ceux de sa vie publique, sa naissance et celle de ses enfans, l’anniversaire de son départ et de son retour, celui de ses triomphes et de la mort de ses ennemis. Dès lors la mode est prise. Plus l’empereur est méchant, plus les fastes sont serviles. « Nous les avons souillés, dit Tacite, par nos adulations. » Le calendrier devint alors lâche comme tout le monde. On y conservait avec soin le souvenir des massacres de Tibère et des actions de grâces que le sénat avait à ce propos rendues aux dieux. Une seule victoire de Néron devenait le prétexte d’une incroyable prodigalité de fêtes publiques. On fêtait le jour où elle avait été remportée, le jour où la nouvelle en était venue à Rome, le jour où le sénat s’était réuni pour en délibérer, et l’anniversaire même des jeux qu’on avait célébrés à cette occasion. C’est en vain que Marc-Aurèle voulut arrêter ce débordement de flatteries qui encombrait le calendrier de jours fériés. Il régla qu’il n’y aurait plus que cent trente-cinq jours de fête dans l’année, ce qui était déjà bien honnête; mais il ne corrigea pas les hommes d’être serviles, et après lui ce nombre augmenta encore. Il est facile de conclure de là quel intérêt peuvent avoir les fastes pour celui qui étudie l’histoire de Rome. Ils nous présentent un tableau fidèle de toute la vie de ce grand peuple; ils nous font redescendre à ses origines et nous rendent témoins de sa décadence. Les souvenirs de tous les temps y sont rassemblés. La même page y conserve les restes les plus authentiques du vieux culte de Nu ma et nous montre les premières lueurs du christianisme[1]. C’est l’histoire romaine tout entière que nous embrassons d’un coup d’œil.

Voilà donc la grande collection des inscriptions latines commencée. C’est beaucoup, dans de pareilles entreprises, que d’avoir fait le premier pas. Un début heureux est un encouragement à pour-

  1. Dans le calendrier de Sylvius, la mention de la fête de saint Pierre et saint Paul se trouve à côté de celle des Lupercales.