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suivre, et le succès du premier volume excitera le zèle de ceux qui travaillent aux autres. Je crois qu’on peut attendre autant d’activité que de talent des collaborateurs que M. Mommsen s’est choisis. Aussi le travail est-il prêt sur bien des points. On annonce que M. Mommsen, qui ne se repose pas, nous donnera bientôt les inscriptions latines de l’Asie. M. Hübner, un des plus jeunes et des plus distingués parmi ses disciples, est prêt, dit-on, à publier celles de l’Espagne. Tout indique enfin que l’académie de Berlin s’est mise sérieusement à l’œuvre, et qu’elle veut une seconde fois mériter la reconnaissance et les remercîmens du public.

Par une coïncidence heureuse, tandis que le premier volume du recueil des inscriptions romaines paraissait en Allemagne, M. de Rossi publiait à Rome le premier volume du recueil des inscriptions chrétiennes[1]. Ces deux ouvrages étaient depuis longtemps attendus avec une égale impatience du public savant de l’Europe, et l’on peut dire dès aujourd’hui que l’attente qu’ils avaient fait naître n’a pas été trompée, et qu’ils feront le plus grand honneur l’un et l’autre à l’érudition de notre siècle.

Il y a longtemps qu’on avait signalé l’importance de l’étude des inscriptions chrétiennes pour l’histoire de l’église. Vers la fin du siècle dernier, Marini se chargea de les recueillir. Il y travailla pendant quarante ans, et mourut sans achever ce qu’il appelait son œuvre favorite. Après sa mort, ses notes furent confiées à Angelo Maï, qui s’occupa de les mettre en ordre et commença de les publier; mais quoique assurément celui qui, à force de persévérance et de sagacité, avait arraché aux palimpsestes la République de Cicéron et les lettres de Marc-Aurèle ne manquât pas de courage, il fut effrayé de la grandeur de l’entreprise, et remit le fardeau à des mains plus jeunes. M. de Rossi, qui s’était déjà fait un nom dans l’épigraphie, osa s’en charger, et se mit au travail avec une ardeur que vingt-deux ans d’études et de fatigues de tout genre n’ont pas rebutée. C’est grâce à lui que le public peut enfin jouir d’un monument auquel trois hommes d’une science profonde ont mis successivement la main, et dont les premières assises ont été posées il y a près d’un siècle. Si je parais faire avec quelque complaisance le calcul des années que coûtent des œuvres pareilles, ce n’est pas que je veuille apitoyer personne sur le sort de ceux qui les entreprennent. Ils ne sont pas à plaindre, quoi que puisse prétendre la légèreté des gens à qui de longs ouvrages font peur. Au contraire, si l’on connaissait bien l’intérêt que jettent dans une vie ces grandes entreprises, l’ordre et l’unité qu’elles y mettent, la

  1. Inscriptiones christianœ, t. Ier. Rome, imprimerie pontificale.