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tout à fait insuffisante dans un grand nombre de cas, et seulement une faible minorité de soldats se trouvent en mesure d’accepter la terre qu’on leur offre dans les solitudes de l’ouest. Quant aux militaires valides, ils ne reçoivent pas de pensions de retraite, bien que la vie des camps ait pu diminuer considérablement leur aptitude au travail. La commission devra donc intervenir afin de procurer des occupations paisibles à tous les volontaires congédiés, et de les ramener, sans secousse trop douloureuse pour eux, dans le sein de la société civile. L’expérience que les membres de la commission acquièrent graduellement leur permettra d’agir de la manière la plus sage à cet égard; en tout cas, ils se sont déjà très fortement prononcés contre la création d’hospices imités des hôtels d’invalides fondés en Europe. Soutenus dans leur avis par l’opinion générale des Américains, ils prétendent, à tort ou à raison, que toute agglomération d’hommes oisifs devient fatalement un foyer de démoralisation, et qu’elle engendre des habitudes de paresse très fâcheuses dans un pays où tous les citoyens ont jusqu’à ce jour demandé leur subsistance au travail ; ils conseillent au soldat mutilé de rentrer dans le sein de sa famille et d’employer à une tâche utile le reste de ses forces au lieu de consentir à mener dans quelque grande cité une vie de désœuvrement et d’ennui. Toutefois, si la commission sanitaire s’interdit de fonder des hospices, en revanche elle s’occupe d’autant plus de construire des hôpitaux et d’améliorer le service de ceux qui existent déjà. Récemment elle a fait bâtir un home sur la côte orientale de la Floride, dans la ville de Saint-Augustin, qui est le Cannes de l’Amérique; c’est là qu’elle envoie les soldats attaqués de maladies de poitrine, afin de les guérir, ou du moins de prolonger leur vie.

Ainsi l’œuvre entreprise par les patriotes dévoués qui ont institué la commission de santé doit se maintenir tant qu’il y aura, par suite de la guerre civile, des blessés et des malades à soigner, des misérables à secourir. Il faut qu’elle dure jusqu’à ce qu’elle ait fait disparaître toutes les traces matérielles de l’effroyable crise qui coûte à l’Amérique un si grand nombre de ses enfans. C’est là une œuvre immense; mais ce qu’il a été donné à la commission d’accomplir déjà est un gage certain du succès futur. Les faits que nous avons brièvement exposés ont par eux-mêmes une singulière éloquence, ils peuvent servir à rectifier bien des idées fausses, à renverser bien des assertions dépourvues de preuves. En présence de ces faits, est-il un homme de bonne foi qui puisse répéter naïvement que la guerre n’est pas sanctionnée par la grande masse de la nation américaine, et que l’armée du nord est composée de mercenaires? Non sans doute. Il serait déjà très étrange que dans un pays où le pou-