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que 6,000 Français lui suffiront pour assurer l’ordre à l’intérieur et défendre notre nouvelle possession contre tout danger extérieur.

Tout en rendant justice au zèle et à l’intelligence de notre administration, nous pensons cependant que son personnel ne peut pas rester ce qu’il est. Il doit se dépouiller du caractère militaire qu’il a eu jusqu’à présent pour revêtir le caractère civil. Loin de nous l’intention de demander que le gouvernement de la Cochinchine française soit confié à un personnage non militaire : longtemps encore le représentant de notre souveraineté devra être pris dans le cadre de nos officiers-généraux; mais il n’en est pas de même du personnel de la haute administration qui doit remplacer le mandarinat. Nous nous épargnerions de grands embarras, si, comme les Hollandais l’ont fait à Java, nous pouvions régner sur nos nouveaux sujets par l’entremise de leurs chefs. Malheureusement les mandarins sont restés attachés de cœur au gouvernement de Hué, et s’identifient complètement à sa politique. Quoi que nous fassions, nous ne parviendrons pas de sitôt à nous les rallier. Il faut donc que nous fassions occuper les emplois qu’ils laissent vacans par des agens à nous. Où les recruter, et quelles conditions d’aptitude devront-ils remplir?

On a proposé un système qui a le mérite d’être calqué sur l’organisation annamite : il consiste à faire venir de France des jeunes gens actifs et intelligens auxquels la carrière administrative serait ouverte après un stage plus ou moins long dans le pays, après les épreuves de plusieurs examens, à l’issue desquels ils seraient gradués comme l’étaient les mandarins. Ils seraient tenus d’apprendre la langue annamite, qui, réduite à sa forme vulgaire, est, assure-t-on, d’un mécanisme très simple, et dont l’enseignement sera facile quand on aura substitué les caractères latins à l’écriture locale. La connaissance de cette langue, indispensable pour les rapports avec les indigènes, serait exigée pour l’examen du premier degré. Ceux qui pousseraient leurs études plus loin, c’est-à-dire jusqu’à la langue chinoise, qui est celle des lois et des rites, acquerraient, après un second examen, un titre d’un degré supérieur, et seraient reconnus aptes à figurer dans les rangs les plus élevés de l’administration. Ces candidats auraient aussi à étudier, pour remplir les fonctions judiciaires, le code annamite, qui, pendant la transition de l’ordre ancien à l’ordre nouveau, devrait être appliqué aux indigènes avec les atténuations que commande l’humanité. Le code annamite est écrit en chinois, il est un objet d’étude constante pour les lettrés et les mandarins, qui, en fuyant devant nos armes, en ont pieusement emporté les exemplaires, pour qu’il ne fût pas souillé de notre contact; mais on l’a retrouvé, et nos gouverneurs l’ont soumis à une révision complète, en ont coordonné les diverses parties, en ont comblé les lacunes, et l’ont fait imprimer en français à Saïgon et en