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chinois à Canton. On l’a même expliqué et commenté. Des exemples en rapport avec les prescriptions s’ajoutent au texte. Toutes ces explications, tous ces commentaires, sont empreints d’un remarquable esprit d’humanité[1]. Le code annamite repose sur le principe le plus absolu du respect de l’autorité à tous les degrés. Au moyen d’une pareille initiation, la France s’assurerait en Cochinchine une pépinière de jeunes gens gradués en état de jouer dans notre nouvelle possession le rôle que jouent les magistrats et les juges anglais dans l’Inde[2].

L’introduction d’agens civils dans les hauts rangs de l’administration aurait d’ailleurs un autre avantage, et ne pourrait exercer qu’une heureuse influence politique. Si nous voulons effacer de l’esprit de la population l’idée de la conquête qui entretient en elle de sourds ressentimens, nous devons écarter de ses regards l’appareil belliqueux qui l’éveille. Les Annamites, d’un caractère si doux, n’ont pas besoin d’être intimidés par les représentans de la force militaire; faisons-leur oublier qu’ils ont été vaincus par nos armes, et leur soumission deviendra de la fidélité. Le même motif exige que, tout en laissant nos troupes veiller à la défense du pays, on leur adjoigne prudemment des troupes indigènes pour quelques services d’ordre intérieur. Malgré la plus sévère discipline, des soldats qui ont combattu pour occuper un pays se maintiennent longtemps à l’égard des populations dans une attitude assez hautaine; ils agissent en maîtres et ne ménagent guère ceux qu’ils ont vaincus.

Les croyances religieuses peuvent aussi rapprocher de nous les Annamites, qui semblent disposés, on l’a vu, à recevoir les doctrines chrétiennes; mais le soin de les répandre doit être confié à des mains aussi prudentes que pures. Nous savons que M. de La Grandière voudrait confier cette mission aux lazaristes, et qu’il appelle des frères de la doctrine chrétienne, des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, pour catéchiser et instruire la jeune génération. Il voudrait aussi qu’un évêché français fût érigé à Saigon pour donner une direction à l’apostolat si actif et si dévoué de nos missionnaires. Ce sont là des idées inspirées par une connaissance exacte du pays, et qu’on s’empressera sans doute de réaliser.


III.

L’emploi de la seconde force, l’action colonisatrice, a-t-il été aussi énergique? Avons-nous pris de sages mesures, appelé des ca-

  1. La Revue maritime et coloniale a donné une analyse sommaire de ce code (janvier 1863).
  2. Nous empruntons cette proposition à un excellent travail de M. Aubaret, capitaine de frégate, sur l’organisation administrative de la Cochinchine.