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et à la régence. Il lui donne avec cela un comté de 10,000 écus de revenus. Jugez, monsieur, combien j’ai eu de bonheur cette fois dans mon voyage à Dresde. »

Le budget de Maurice de Saxe était en effet une des grandes préoccupations de la comtesse de Kœnigsmark. La comtesse n’était pas riche : les affaires fort embrouillées de son frère Philippe n’avaient pu être mises en ordre après sa tragique disparition. Si le roi n’était venu au secours de son fils, quelle pouvait être dans l’avenir la situation de Maurice? Sa joie ne fut pas de longue durée. Soit que la pension de 10,000 écus ne fût pas payée régulièrement, soit que la somme fût insuffisante pour un jeune prince libéral et prodigue, la comtesse, durant deux ou trois ans, va être occupée sans relâche à implorer pour Maurice la générosité du roi ou de ses ministres. Sa tendresse maternelle devient si importune au roi qu’il lui interdit sur ce point toute nouvelle demande : elle se tourne alors vers le premier ministre, ce comte de Flemming qui a tant de fois combattu son influence, qu’elle a poursuivi elle-même si vivement d’une haine féminine, et devant lequel aujourd’hui la mère désolée consent à humilier son orgueil. Elle lui écrit le 1er août 1712 : «Votre excellence trouvera une occasion de s’employer en faveur du comte de Saxe par le décès de Ramsdorf, touchant les biens qui en reviendront au roi. Sa majesté m’a fait défendre de me mêler de ces affaires; mais il me sera permis de vous solliciter, monsieur, sans y paraître en aucune manière. Vous aurez la bonté de me ménager et de prendre à cœur une malheureuse destinée, si longtemps traversée. » Ce Ramsdorf était un haut et puissant dignitaire de la Saxe, emprisonné pour un pamphlet intitulé Portrait de la cour de Pologne, et qui venait de mourir sous les verrous. On croyait que ses titres et ses biens, confisqués pour crime de lèse-majesté, allaient faire retour à la couronne, et la comtesse, dans l’impatience de sa sollicitude, voyait là une occasion toute naturelle d’assurer l’avenir de son fils. Le roi fut d’un autre avis. « J’ai recommandé au roi les intérêts du comte de Saxe, écrit Flemming le 4 août : sa majesté fait paraître beaucoup de bonne volonté; mais à l’égard de l’héritage de Ramsdorf le roi a trouvé la chose trop douteuse pour en disposer en faveur du comte de Saxe. » La comtesse revient à la charge : si cette voie est mauvaise, qu’on en suive une autre. Pourquoi le ministre ne prendrait-il pas l’initiative de quelque mesure favorable au fils du roi? Le roi, qui a reconnu Maurice comme son enfant, attend sans doute du ministère l’accomplissement des devoirs que cette reconnaissance lui impose. «Votre excellence, ajoute-t-elle, aura la bonté de représenter à sa majesté que ces sortes d’enfans ont besoin d’être soutenus et poussés par la faveur des grands. »

Pendant ces négociations, Maurice plaidait sa cause à sa manière.