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elle une œuvre pareille à celle de Pierre Ier. Provisoirement il consignait avec soin parmi ses notes quotidiennes les besoins de chaque localité, les travaux d’utilité publique nécessaires pour ramener un peu de bien-être et de sécurité dans les provinces désolées qu’il venait de traverser. Il faut bien espérer, puisqu’il semble l’espérer lui-même, que ses peines n’auront pas été tout à fait perdues, et que le compte-rendu de son excursion dans les districts voisins de la Mer-Caspienne, remis au shah sur la demande formelle de ce prince, n’aura point passé inutilement sous ses yeux.

A partir des premiers jours de mai 1861, les affaires de la mission anglaise rentrèrent dans l’ordre habituel. On négociait patiemment, et sans avancer beaucoup, sur deux points d’importance fort différente : d’abord la construction d’un télégraphe électrique destiné à traverser la Perse, et faisant partie d’une grande ligne qui doit assurer les communications de l’Angleterre avec ses possessions indiennes, — puis l’indemnité réclamée depuis la paix dite de Paris (1857) au profit d’un très grand seigneur persan, dévoué partisan de la Grande-Bretagne, et qui, lors de la rupture des deux pays, avait vu son palais livré au pillage. Ces pertes, évaluées à 50,000 liv. sterl. (1,250,000 fr.), n’étaient pas de celles que le gouvernement persan devait tenir à compenser le plus vite. Aussi épuisait-il les voies dilatoires, et l’affaire de Mir-Ali-Naki-Khan, la partie lésée, était peu à peu devenue u l’opprobre de la mission. » — Ainsi du moins la qualifie celui même à qui l’honneur de la terminer était réservé par la providence diplomatique.

En attendant, sa patience était épuisée. Certaine divergence de vues à laquelle il fait de loin en loin des allusions discrètes, mais transparentes, certains procédés dont il se plaint en termes couverts, mais expressifs, l’avaient peu à peu dégoûté de son poste. Il demandait son changement avec insistance, et prenait soin d’indiquer la légation d’Athènes comme celle où il servirait le plus volontiers, quand, à la date déjà indiquée (fin juin 1862), arriva une nouvelle appelée à modifier tous ses projets. Dost-Mohammed, l’émir du Caboul, venait d’envahir le Khorassan et de mettre le siège devant Hérat, en même temps que ses deux fils, Amir-Khan et Mohammed-Sharif-Khan, investissaient Farah[1], dont la prise était imminente. Effectivement, Farah succomba dès le 8 juillet, et l’armée qui l’avait conquise put aller immédiatement rallier celle de l’émir lui-même, qui s’empara presque aussitôt de Sabzawar[2].

Les rapides succès obtenus coup sûr coup par les Afghans et la

  1. Farah, si l’on ne compte que la distance à vol d’oiseau, est à cent quarante milles au sud d’Hérat.
  2. Sur la route d’Hérat à Farah, soixante-cinq milles au nord de cette dernière ville. Sabzawar fut prise le 22 juillet.