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goisses d’une mort imminente, purent être reconduits sains et saufs vers le rivage.

D’autres fois c’est à un noble sentiment de piété domestique qu’un canot de sauvetage doit son origine. Il n’y a pas longtemps qu’un visiteur se présentait dans les bureaux de l’institution pour lui offrir un life-boat qu’il voulait entretenir par une dotation perpétuelle en souvenir de sa mère. J’ai vu à Bude-Haven, en Cornouaille, un monument de ce genre inspiré par la même pensée touchante. Sur une tablette de pierre fixée à la maison du bateau, boat-house, on fit l’inscription suivante :

En mémoire

d’Elisabeth Moore Garden,
femme bien-aimée de
Robert-Théophile Garden,
ce bateau de sauvetage
a été offert à l’institution nationale des life-boats

par leurs enfans.


Le bateau fut lancé à la mer pour la première fois le 19 juin 1863, jour anniversaire de la naissance d’Elisabeth Moore Garden, dont ce life-boat doit perpétuer le souvenir. C’était la coutume au moyen âge d’élever des chapelles pour le repos de l’âme des morts. Les Anglais, depuis la réformation, ne croient plus à l’efficacité des prières pour les trépassés; mais si les âmes de ceux qui ont vécu s’intéressent encore aux choses de la terre, quelle joie plus pure saurait-on leur ménager, quel témoignage plus digne d’êtres immortels que d’attacher leur nom à ces libérateurs des mers? Le souffle divin de l’humanité ne gonfle-t-il point en quelque sorte la voile de tels bateaux, qui vont porter à travers les ténèbres et les éclairs la consolation au cœur de ceux qui désespèrent[1] ?

L’efficacité des canots de sauvetage répond-elle entièrement aux nobles intentions des fondateurs? C’est une question qu’il est aisé d’éclairer par des chiffres. Depuis 1824, époque de l’origine de la société, jusqu’en 1863, les life-boats ont sauvé la vie de 13,568 personnes. L’année dernière (1863) a été surtout signalée par le nombre

  1. En général, on se divise le champ de la charité en ce qui regarde les moyens de sauvetage. Une personne fournit le bateau, une autre achète le terrain sur lequel il doit reposer, une troisième fait élever la maison destinée à lui servir d’abri. L’œuvre des life-boats est ainsi une œuvre collective à laquelle chacun concourt dans la limite de ses moyens. Souvent aussi ce sont les villes qui se cotisent pour subvenir aux frais de ces établissemens; en 1862, Ipswich recueillit 500 livres sterling qu’elle remit à la société des life-boats, et en 1863 la cité de Bath, qui n’est pourtant point un port de mer, offrit 248 livres sterling pour établir un canot de sauvetage sur les côtes du channel de Bristol.