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Notre projet n’est pas de faire l’histoire de Pitt, déjà si parfaitement racontée dans ce recueil[1], ni de le suivre dans toutes les circonstances de sa vie politique. C’est surtout au point de vue financier que nous avons voulu examiner son administration, qui se partage en deux périodes bien distinctes : l’une de paix, depuis 1783 jusqu’à la fin de 1792; l’autre de guerre, depuis 1793 jusqu’à 1801. La première est peu connue, parce qu’elle eut moins d’éclat au dehors, et cependant c’est alors que Pitt, créant les finances de l’Angleterre, constituant son crédit, se montra peut-être plus grand ministre qu’il ne le fut dans la seconde. Celle-ci est toute remplie par la lutte engagée contre la révolution française, les nécessités qui en furent la conséquence, les moyens auxquels il fallut recourir pour y pourvoir. Cette étude aura son utilité, si elle démontre ce que peuvent pour la prospérité d’une nation un régime de vraie liberté, un système de ferme politique en harmonie avec le sentiment du pays, et le crédit fondé sur la bonne foi publique.


I. SITUATION DE l’ANGLETERRE A LA FIN DE 1783. — EMPRUNT. — BILL DE COMMUTATION. — RÉFORMES ADMINISTRATIVES (1784-1785).

Lorsqu’au mois de décembre 1783, à l’âge de vingt-quatre ans, Pitt fut appelé aux fonctions de premier lord de la trésorerie, il se trouva en présence des difficultés politiques et financières les plus graves, et ce ne fut qu’après avoir résolu les premières qu’il lui fut possible d’aborder utilement les secondes. Le célèbre ministère de coalition Fox-North venait d’être dissous à la suite du rejet par la chambre des lords du bill sur le gouvernement des Indes, proposé par Fox. La majorité qui l’avait soutenu dans la chambre des communes se retourna compacte contre ses successeurs, et pendant quatre mois Pitt lutta sans succès contre elle; mais le pays n’avait en général approuvé ni la coalition ni ses causes. Cette opposition systématique, en arrêtant la solution de questions importantes, mécontenta davantage encore, et chaque jour l’opinion publique se manifestait à cet égard d’une façon plus vive. Enfin, encouragé par les témoignages d’adhésion qu’il recevait de toutes parts, Pitt crut pouvoir recourir au moyen constitutionnel de la dissolution, et les élections, en modifiant la force des partis, lui donnèrent une majorité qui, à la première épreuve, fut de 282 voix contre 114. Assuré désormais du concours du parlement, il s’occupa de pourvoir aux nécessités d’une situation financière des plus critiques.

La guerre d’Amérique, qui venait de se terminer par le traité de

  1. Voyez la Revue du 15 avril, 1er mai, 1er et 15 juin 1845.