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paix avec la France, avait augmenté le capital de la dette fondée de 90,000,000 livres sterling[1], et le chiffre annuel des intérêts de 4,120,000 livres sterling. D’un autre côté, pressé par des besoins incessans, lord North avait eu recours à des négociations et à des expédiens qui, en élevant la dette à terme ou dette flottante à plus de 33 millions de liv. sterl., avaient affaibli le crédit du trésor. Le prix des consolidés 3 pour 100 était tombé à 54, et le revenu public, atteint dans toutes ses branches, était encore diminué par une contrebande active qu’avaient développée les désordres de la guerre. Ainsi les taxes permanentes, c’est-à-dire celles qui n’étaient pas soumises au vote annuel du parlement, la douane, l’excise, le timbre, ne produisaient guère plus de 10 millions de liv. sterl., entièrement absorbés par l’intérêt de la dette fondée, qui était de 8 millions, par la dotation de la liste civile et d’autres dépenses dont ces taxes étaient le gage spécial. En sus de ces services, il fallait encore acquitter les dépenses annuelles de l’armée de terre, 4 millions de livres sterling, celles de la marine, 3 millions de livres sterling, celles de l’artillerie et des fortifications, 600,000 livres sterling, les services divers, les intérêts de la dette flottante, soit un total de 9 millions de livres sterling. Les seules ressources à y affecter étaient 2 millions 1/2 provenant des impôts sur la drèche, sur la terre, et de taxes additionnelles peu productives établies par lord North. L’insuffisance pour les services ordinaires seuls était donc de 6,500,000 liv. sterling. Il restait à payer sur les services antérieurs 1,500,000 livres sterling; le trésor devait en outre rembourser à la banque 2 millions de livres sterling que cet établissement lui avait avancés sans intérêts en 1781 comme condition du renouvellement de son privilège, et il fallait ainsi aviser au moyen de se procurer une somme de 10 millions de livres sterling pour assurer en 1784 la marche des services et faire honneur aux engagemens contractés.

Il n’y avait donc pas là seulement des embarras actuels et momentanés dont il eût toujours été possible de se dégager avec des expédiens plus ou moins habiles et des sacrifices plus ou moins onéreux. La tâche à remplir était autrement importante. Il s’agissait de relever le moral d’un pays abattu par les revers en lui faisant connaître l’étendue de ses ressources, de ranimer les transactions, de restaurer le crédit et de rétablir l’ordre dans l’administration de l’état. Dans la vie des peuples comme dans celle des individus, il ne suffit pas d’occasions propices pour sortir d’une situation fâcheuse; il faut surtout l’esprit de conduite, une direction intelligente, et dans cette circonstance Pitt fut le guide que l’Angleterre eut la

  1. Soit en valeurs françaises 2,250,000,000 francs.