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versé, s’il veut vendre, et la marge est d’autant plus grande pour le rentier que le taux auquel il prête est plus éloigné de celui auquel le trésor pourrait lui imposer une réduction d’intérêt par la menace d’un remboursement. Prenons pour exemple le dernier emprunt contracté en France. 315 millions de francs ont été empruntés à 3 pour 100 au taux de 66 fr. 30 c. Pour chaque 66 fr. 30 c. qu’il doit recevoir, le trésor s’est reconnu débiteur de 3 fr. de rente et de 100 fr. de capital, et par conséquent, pour 315 millions qui lui seront versés, le capital nominal de sa dette sera accru de 441,700,000 fr., et le chiffre de la rente annuelle de 13,253,000 fr. Sans doute le trésor pourra insensiblement se libérer par l’amortissement, en admettant que le fonds n’en soit pas employé à d’autres besoins; mais il ne pourra obliger les porteurs de rentes à opter entre un remboursement ou une réduction d’intérêt que lorsque les cours auront dépassé 100 fr. Il y a ainsi pour eux une marge à parcourir de 34 fr. avant que cette alternative puisse leur être imposée, et c’est l’avantage qu’ils paient en prêtant à un taux moins élevé. Si au contraire, en admettant que la situation l’eût permis, l’emprunt avait été contracté en 4 1/2 au taux de 95 fr., qui était celui de ce fonds au 10 janvier 1864, la rente annuelle créée eût été de 14,921,000 francs, et le capital reconnu par l’état de 331,570,000 fr. ; mais quelle eût été la chance pour le trésor? C’est qu’avec le retour de circonstances favorables le prix du 4 1/2 pour 100, puis du 4 dépassant le pair, il y eût eu dès lors possibilité d’obtenir des réductions successives d’intérêts qui en auraient abaissé le chiffre bien au-dessous de celui stipulé dans le fonds 3 pour 100. Et tel est, il faut le dire, un des côtés les plus fâcheux de la conversion faite il y a deux ans du 4 1/2 en 3 : pour 157 millions qu’a touchés le trésor, il a aliéné la faculté de réduire dans des temps propices de 50 millions de francs l’intérêt annuel de sa dette, sans que l’unification de cette dernière ait produit les avantages annoncés. On disait que la concurrence du 4 1/2 empêchait le 3 de s’élever, et que, s’il n’y avait plus qu’une seule nature de dette, les cours prendraient leur essor. Le contraire est arrivé, et le 3 pour 100 est plus bas qu’il n’était alors, car le 4 1/2, fonds essentiellement paisible et presque immobilisé dans les portefeuilles, déclassé par la conversion, est venu s’ajouter aux valeurs qui encombrent la place, et la spéculation seule a profité de cette mesure.

Pour conclure sur ce point, nous croyons que dans un état financier prospère, au milieu de circonstances politiques heureuses, si un état a des emprunts à contracter, il doit préférer le fonds élevé pour rester maître de la position vis-à-vis de ses créanciers ; mais