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en Angleterre de batistes françaises introduites par la contrebande, parce que l’importation n’en était pas permise; les batistes purent désormais entrer moyennant un droit modéré. Ainsi encore l’importation régulière des eaux-de-vie n’était que de 30,000 livres, et il en entrait par fraude près de 1,800,000 livres; par suite de la réduction considérable du tarif qui les frappait, le commerce devait trouver à l’avenir plus de risques que de profits à s’y soustraire. Les vins français, soumis désormais aux mêmes droits que ceux de l’Espagne et du Portugal, purent, sans les écarter du marché anglais, remplacer avantageusement dans la consommation les vins indigènes, d’une fabrication pernicieuse. Il y avait donc tout lieu d’espérer une augmentation importante dans le chiffre des recettes de douane.

Le traité et la convention, soumis au parlement au commencement de la session de 1787, y furent vivement attaqués par Fox et ses amis, comme contraires aux principes qui avaient jusqu’alors dirigé la politique commerciale de l’Angleterre, dont l’intérêt traditionnel était de n’entretenir avec la France aucun rapport amical, et, ainsi que le raconte Macaulay, Pitt s’entendit accuser d’être un fils dégénéré et de faire frémir sous les pavés de l’abbaye de Westminster les os de son illustre père ; mais toute critique de la part de Fox était d’autant plus inopportune que lui-même, étant secrétaire d’état, avait préparé le traité de paix de 1783, que la clause relative aux arrangemens commerciaux y avait été introduite avec son assentiment, et qu’il avait proclamé alors la nécessité d’établir et de fortifier les relations d’intérêt entre les deux pays. Pitt le lui rappela et insista sur les avantages de toute nature que l’Angleterre retirerait du nouveau régime commercial : développement de son industrie, progrès de sa marine marchande, débouché considérable pour les produits de ses manufactures, accroissement du revenu public, enfin garantie plus solide de paix avec la France.


« Je n’hésiterai pas, disait-il, à m’élever contre le principe trop fréquemment avancé, que la France est ou doit être l’implacable ennemie de l’Angleterre. Cette idée révoltante ne peut avoir de fondement : c’est une supposition radicale que n’autorise aucune preuve tirée de l’histoire des nations et des hommes, c’est aussi une insulte à la société politique, insulte qui ne peut être conçue que par l’esprit pervers de quelques hommes. Cependant elle a été propagée, cette idée : on a dit que ce traité jetait l’Angleterre dans les bras de son éternelle ennemie. On raisonne comme s’il ne devait pas seulement détruire toute espèce d’animosité, mais comme s’il devait nous enlever tous nos moyens de défense, comme si par ce traité nous abandonnions une partie de nos forces de terre ou de mer, comme si notre commerce devait être restreint, notre navigation gênée, nos colonies