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abandonnées, et enfin comme si toutes les fonctions de l’état devaient tomber dans une apathie complète. Quels motifs y a-t-il à toutes ces suppositions? Croit-on que ce traité nous empêcherait de répondre aux attaques de la France avec moins de vigueur ou de courage? Au contraire, comme il doit nous procurer un accroissement de prospérité, il nous mettrait encore mieux en état de les repousser; mais il est vrai qu’il peut bien faire davantage, ce traité: en établissant plus particulièrement des rapports d’union et d’amitié entre les deux nations, il peut éloigner le moment où nous aurons besoin de rappeler toutes nos forces. Par suite de la bonne harmonie qui existera entre elles, leurs mœurs, leurs habitudes pourront se faire des emprunts réciproques au grand profit de l’une et de l’autre

« Qu’il me soit toutefois permis de le dire : il est étrange qu’on ose avancer, comme je sais que le bruit en a été propagé dans le public, que ce traité est mauvais pour nous parce qu’il sera avantageux pour la France. Il serait en effet bien singulier que ce pays consentît à ce qui nous serait utile sans y chercher de son côté une réciprocité. Ce que je ne crains pas d’avancer, c’est que ce traité est encore plus profitable à l’Angleterre qu’à la France. Les motifs en sont clairs et précis : cette dernière y gagne pour les vins et autres productions; nous gagnons de même pour nos produits et dans une proportion bien plus grande. Elle s’est acquis un marché de 8 millions d’habitans, et elle nous en a ouvert un de 24 millions………….

« La France est peut-être de tous les pays de la terre celui qui jouit au plus haut degré de toutes les faveurs de la Providence : sol, climat, productions, elle possède tout. L’Angleterre au contraire n’est pas favorisée de la nature, mais elle jouit, grâce à Dieu, à son heureuse constitution et à ses lois, d’une énergie, d’une hardiesse d’entreprise et d’une industrie qui lui tiennent lieu de tout : ces motifs doivent suffire pour qu’il s’établisse entre les deux pays des rapports d’intimité profitables à tous les deux, et non pas cette inimitié nationale que l’on présente comme devant être la base de leur politique réciproque. »


Du reste la nation anglaise avait apprécié et reconnu toutes ces considérations et tous ces avantages : ni l’industrie ni le commerce n’avaient réclamé, nulle pétition n’avait été signée et colportée, nulle part on n’avait tenu de meeting pour y protester contre ce prétendu sacrifice des intérêts anglais aux intérêts français, et les deux chambres, en adoptant à une immense majorité le traité et la convention, ne firent que consacrer le sentiment de l’opinion publique. Elles crurent même devoir accompagner leur vote d’une adresse au roi pour le remercier d’avoir conclu avec le roi Louis XVI un traité de commerce et de navigation. «si propre à encourager entre la Grande-Bretagne et la France des rapports avantageux, en assurant la durée d’une paix bienfaisante. » En France, les sentimens furent partagés. L’industrie accueillit le traité par les clameurs les plus vives, et se plaignit d’être complètement sacrifiée. Parmi les consommateurs, tout au contraire l’anglomanie fut portée à l’ex-