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vifs démêlés entre le parti aristocratique et le stathouder, ce dernier avait été dépouillé par les états-généraux de la majeure partie de ses droits et prérogatives; il avait dû quitter La Haye, et sa femme, une princesse prussienne, y avait été non-seulement insultée, mais même emprisonnée pendant plusieurs heures. Le roi de Prusse avait demandé pour sa sœur et son beau-frère des réparations complètes, ainsi que la punition sévère des coupables; mais les états-généraux s’étaient refusés de la façon la plus hautaine à donner toute satisfaction. Le roi de Prusse avait fait alors les préparatifs nécessaires pour entrer en Hollande, et le roi de France, qui favorisait les projets du parti aristocratique de ce pays, avait réuni quatorze mille hommes à Givet pour l’aider à repousser l’invasion prussienne. L’Angleterre ne pouvait rester neutre dans ce différend : elle ne pouvait pas laisser la Hollande passer sous l’influence absolue de la France et ses côtes devenir des côtes françaises. Le gouvernement anglais fit donc signifier dans le courant du mois de mai 1787 au cabinet de Versailles que, s’il venait au secours des états-généraux, l’Angleterre prendrait immédiatement parti pour le stathouder, et à cet effet il conclut avec le grand-duc de Hesse-Cassel un traité par lequel ce dernier, moyennant une subvention annuelle de 36,000 livres, mettait à sa disposition un corps d’armée de douze mille hommes. En même temps les armemens à l’intérieur étaient poussés avec vigueur, et ordre était expédié dans celles des possessions anglaises où un conflit était possible avec la France de se préparer à la lutte; mais le roi de Prusse ayant fait entrer dix-huit mille hommes de troupes en Hollande sous le commandement du duc de Brunswick, et la France, dont les embarras intérieurs commençaient à devenir très graves, n’ayant pas donné à l’insurrection le concours qu’elle lui avait promis, le stathouder rentra à La Haye au bout de huit jours. Nonobstant ce succès, les représentans de l’Angleterre à la cour de France, le comte Dorset et M. Eden, crurent devoir demander au cabinet français des explications sur ses projets : la réponse fut satisfaisante, et ils signèrent avec M. de Montmorin une convention d’après laquelle les deux gouvernemens s’engageaient à cesser réciproquement leurs armemens et à remettre leur marine sur le pied de paix où elle était le 1er janvier précédent.

L’attitude prompte et énergique prise par le gouvernement anglais dans cette circonstance releva l’Angleterre en Europe, causa une satisfaction générale dans le royaume et valut à Pitt même les éloges de ses adversaires politiques, a L’Angleterre, écrivait à sa cour le comte de Voronzof, ambassadeur de Russie, a joué un rôle ferme et brillant, et la conduite de M. Pitt ressemble fort en cette occasion à celle que son père a tenue, et qui n’était plus connue