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guste ! Ceux qui ont répété ces niaiseries avaient oublié le vers de Frédéric le Grand :

Quand Auguste buvait, la Pologne était ivre.

Les choses se passèrent d’une façon plus conforme aux mœurs de l’époque; il n’y a dans cette histoire ni surprise, ni coup de théâtre, ni condamnation à mort, ni intervention du roi. Le 21 mars 1721, la comtesse de Saxe adresse au consistoire supérieur de l’église réformée une requête où elle demande l’annulation de son mariage, le comte ayant manqué à ses sermens et violé la foi conjugale. Le 26, la plaignante est mandée devant le consistoire; le président l’invite, comme c’est son devoir, à se réconcilier avec son mari, mais elle persiste dans son dessein, affirmant que tout espoir est perdu, et que le comte ne s’amendera jamais. Si elle n’a cité dans sa plainte qu’une seule des complices de son mari, c’est pour éviter le scandale; elle aurait pu en signaler beaucoup d’autres. Bref, elle a vécu de telle façon jusque-là que les dissipations du comte ont absorbé non-seulement ses revenus, dont elle n’a pu jouir, mais une partie même de sa fortune. Alors la comtesse se retire, et Maurice est mandé à son tour devant le tribunal. Le président, après avoir fait lire la plainte qui le concerne, lui demande s’il n’a rien à dire pour sa défense. « Absolument rien, » répond-il, et il avoue sans le moindre embarras tout ce que lui reproche l’accusation. Le président insiste encore, il exprime les regrets et les doutes du consistoire; n’y aurait-il pas quelque animosité de la part de la comtesse? Les faits imputés à Maurice ne seraient-ils pas envenimés par le ressentiment? « J’avoue, répond Maurice, que notre affection mutuelle n’a jamais été bien vive; mais la comtesse n’a rien exagéré : les faits dont elle se plaint sont parfaitement exacts. » Le consistoire n’avait plus qu’à prononcer la sentence : il déclara le mariage de Maurice de Saxe et de Johanna-Victoria de Loeben légalement et religieusement dissous, et autorisa la femme, comme innocente en ce procès, à contracter une nouvelle union selon les lois de l’église chrétienne. Le lendemain, Maurice écrivait au roi : « Un grand homme l’a dit, on n’a que deux bons jours, l’entrée et la sortie; mais cet honnête homme voulait faire des vers, et il fallait trouver un jeu et une cadence, car il m’a paru que la sortie est infiniment meilleure que l’entrée. J’ai été hier au consistoire, c’est-à-dire dans la maison de M. Leibziger, et après que le président eut prononcé, avec toute la politesse du monde, une sentence qui d’ordinaire n’est guère polie, le surintendant voulut me régaler d’un plat de son métier, car les prêtres veulent toujours se mêler de tout; mais j’abrégeai la harangue en disant : « Monsieur, je sais