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Constantinople, les cérémonies, les rites, jusqu’à la disposition intérieure des édifices consacrés au culte, mais l’état moral et social du clergé, son genre de vie, la condition des prêtres de village, qui lui rappelle celle des ministres de paroisses en Angleterre. « Il y a une grande analogie entre notre clergé et le clergé serbe. Confondus avec le peuple au lieu de former une caste à part, les popes sont universellement respectés, et comme ils sont mariés et vivent au milieu de leurs ouailles, ils exercent une grande influence dans la paroisse. » Quant aux écrivains nationaux, voici comment ils définissent la mission et la vie des prêtres serbes : « Le prêtre prie Dieu avec le peuple, dans l’église ou sous les arbres saints, pour le salut des âmes et la prospérité des campagnes. Il lutte avec le peuple sur les champs de bataille, pour la religion, la liberté et la patrie. Aussi se réjouit-il avec le peuple et prend-il part à toutes ses fêtes. »

Le clergé, à l’exception du métropolitain et des évêques, ne reçoit aucun traitement de l’état ni de la commune. Les moines vivent des revenus de leurs terres, les popes du casuel. Ce casuel a été fixé par une ordonnance rendue sous le premier règne de Miloch (1836), de manière à prévenir ces abus et ces trafics qui déshonorent l’église grecque de Turquie. Quelques dons en nature, le produit d’un jardin, parfois celui d’un petit champ, achèvent d’assurer leur subsistance. Ils sont en général peu instruits, quoique, sous ce rapport, une amélioration notable se soit produite depuis la création à Belgrade d’un grand séminaire (bogoslovia) où tout aspirant aux fonctions ecclésiastiques est tenu de prendre ses degrés. Cet institut, qui compte actuellement environ deux cents élèves, fournit chaque année à la prêtrise un certain nombre de membres jeunes, suffisamment éclairés, qui se substituent peu à peu aux vieux popes contemporains de Kara-George et de Miloch, et c’est ainsi que ce qui était autrefois la règle tend à devenir l’exception. Ces mœurs simples, cet esprit patriotique ne sont pas le privilège du clergé inférieur ; on les retrouve au même degré parmi les hauts dignitaires de l’église. Étant à Karanovatz, j’allai faire visite un matin à l’évêque d’Oujitzé, Mgr Joanice. Je trouvai un petit vieillard alerte, à l’œil vif, à la physionomie franche et ouverte, qui portait gaillardement le poids de ses seize ou dix-sept lustres. La pièce où il me reçut, et qui constituait son salon d’apparat, était meublée avec une simplicité presque rustique. C’était une grande chambre, disposée à la turque, sauf un canapé de provenance autrichienne et comme perdu dans l’immensité de la salle, avec un plafond peint et de grands panneaux de boiserie, à l’un desquels étaient appendus, en regard d’une croix en ébène, un fusil, deux paires de pistolets, des sabres, toute une panoplie. On eût dit de la salle d’armes