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pour ceux qui l’avaient contracté ; elle se chargea donc de l’amortissement, et en 1815 1,622,584 livres sterling avaient déjà été rachetées.

Depuis 1784, Pitt avait invariablement suivi la règle qu’il avait établie alors de ne faire d’emprunts qu’avec publicité et concurrence. Il concéda cependant à l’amiable, à une maison considérable appelée la maison Boyd, celui qu’il avait contracté pour subvenir aux besoins de l’année 1795, et il y fut déterminé par les considérations suivantes. Le montant des emprunts était en général payable, 15 pour 100 au moment de la souscription, et le surplus de mois en mois; mais dans les bills qui les autorisaient était toujours inscrite une clause qui accordait une prime pour les versemens faits par anticipation. Celui de 11 millions contracté en 1794 l’avait été à un taux favorable pour le trésor, et était devenu fort onéreux aux souscripteurs à cause de la baisse occasionnée par les revers de la guerre. Aussi aucun versement n’avait été fait par avance, et le gouvernement, se trouvant à court de fonds, avait dû s’adresser à la maison Boyd, qui lui avait remis ceux dont il avait besoin. Cette opération avait été peu avantageuse à la maison Boyd, et soit pour reconnaître un service rendu, soit pour s’assurer à l’avenir le concours d’une maison solide et respectable, Pitt lui avait promis la concession du prochain emprunt. Il le lui donna en effet au taux de 4 pour 100, et, la rente ayant haussé à la fin de l’année, elle réalisa des bénéfices considérables. Cette concession à l’amiable fut vivement critiquée. L’opposition demanda une enquête, et le comité auquel elle fut confiée constata dans son rapport qu’une maison rivale avait offert des conditions meilleures. Personne n’attaqua la probité du ministre, parce qu’elle était au-dessus de tout soupçon, et ses adversaires lui rendirent à cet égard le plus complet hommage; mais ils lui reprochèrent d’avoir fait un marché préjudiciable à l’état dans une pensée de corruption parlementaire. Pitt exposa simplement les faits, rejeta dédaigneusement l’accusation d’avoir cherché à augmenter son influence ministérielle au préjudice des intérêts du trésor, et démontra qu’au moment où il avait été contracté, l’emprunt, nonobstant les assertions du comité, n’aurait pu l’être d’une façon plus avantageuse. La motion de censure fut rejetée à une immense majorité; mais, quelque pures qu’eussent été les intentions du ministre, il avait eu tort évidemment de se départir d’une règle posée et maintenue jusqu’alors rigoureusement par lui-même, au risque de froisser tant d’intérêts privés et de compromettre cette influence parlementaire qu’on lui reprochait de vouloir ménager : accusation bien mal fondée du reste, car alors même il mettait un terme à divers abus qui avaient été un moyen