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de force pour ses prédécesseurs. Ainsi c’était une pratique constante dans les guerres antérieures de traiter à forfait et de gré à gré pour les fournitures de troupes employées au dehors avec des amis de l’administration, ou de leur en confier l’achat moyennant des commissions plus que rémunératrices. Le ministre y gagnait en crédit, mais le trésor y perdait doublement, d’abord à raison des bénéfices considérables réalisés par les traitans, ensuite parce que, se présentant sur le marché en concurrence les uns des autres et avec les commissaires de la marine, ils faisaient monter le prix de tous les approvisionnemens. Pitt n’avait pas voulu recourir à de pareils moyens; désireux avant tout d’introduire l’ordre et l’économie dans les diverses branches du service public, il avait exigé que toutes les fournitures fussent achetées par les employés de l’administration, que tous les marchés eussent lieu par adjudication publique, et il avait cherché à restreindre dans les plus strictes limites les dépenses militaires faites au dehors. A cet effet, aussi bien dans l’armée que dans la marine, ces dernières durent être autorisées par le commandant en chef et faites exclusivement par l’intermédiaire d’un commissaire-général, contrôlé lui-même par un commissaire des comptes chargé de vérifier si toutes les conditions possibles d’économie avaient été observées. De plus, il fut sévèrement défendu à ces agens de percevoir aucune rétribution en dehors des émolumens qui leur étaient attribués.


II. — DISETTE. — CONSOLIDATION DE LA DETTE A TERME. SUBSIDES A L’AUTRICHE. — EMPRUNT NATIONAL. — CRAINTES D’INVASION. — BANQUE d’ANGLETERRE ET SUSPENSION DES PAIEMENS EN ESPÈCES (1796-1797).

Le printemps et l’été de l’année 1795 ayant été constamment froids et pluvieux, la récolte fut détestable en Angleterre, et le blé monta au taux exorbitant de 108 sh. le quarter. Une épizootie enleva aussi une partie du bétail, et, la hausse du prix de toutes les denrées alimentaires rendant d’autant plus onéreux le poids des impôts récemment créés, la guerre commença à être moins populaire. Des troubles éclatèrent à Coventry, Birmingham, Nottingham et dans d’autres villes. Londres n’en fut pas exempt, et lorsque le 29 octobre 1795 le roi se rendit au parlement pour ouvrir la session, il fut accueilli par la foule aux cris de « plus de guerre, plus de famine! à bas Pitt! du pain ! la paix! »

Pour calmer les inquiétudes et remédier à l’intensité de la disette, Pitt s’empressa de soumettre au parlement, qui les adopta, diverses mesures ayant pour objet de défendre l’emploi de la farine dans les fabriques d’amidon et les distilleries, de lever tous les obstacles qui