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dées sur les causes qui avaient déterminé le cabinet à s’écarter du principe de la spécialité des crédits, Fox démontra les graves inconvéniens de cette dérogation en général, et indiqua les moyens propres, selon lui, à en prévenir le retour. Il fit observer que, si le système invoqué et défendu par le ministre était consacré, les crédits accordés pour un objet pourraient sans cesse être détournés de leur destination pour être affectés à des dépenses que le parlement consulté n’aurait pas agréées, et que toute certitude disparaîtrait désormais dans l’emploi des sommes allouées. Les votes du parlement risqueraient ainsi de devenir une lettre morte, bonne seulement pour l’allocation des ressources, et la confusion ne tarderait pas à se mettre dans les finances. Il fallait donc maintenir dans toute sa rigueur le privilège de la chambre, ne pas souffrir qu’un chapitre une fois voté fût dépouillé au profit d’un autre sans autorisation préalable, et prévenir l’insuffisance des crédits, soit en créant des ressources spéciales pour les couvrir, soit en dotant plus largement les services.

En maintenant les prérogatives du parlement et en réclamant de la part du pouvoir le respect de la spécialité, Fox défendait avec une raison complète l’ordre dans les finances; mais les remèdes qu’il indiquait risquaient, faute d’être suffisans, de devenir très onéreux, car, si larges que fussent les allocations votées, elles pouvaient ne pas répondre à tous les besoins, et il était probable qu’une fois accordées elles ne resteraient jamais sans emploi. Le seul moyen efficace était donc encore la faculté donnée aux ministres en France, sous la monarchie parlementaire, d’ouvrir avec certaines conditions, et sous leur propre responsabilité, des crédits supplémentaires, à la charge de les soumettre à l’approbation des chambres dans leur plus prochaine session. Ainsi que pour les crédits extraordinaires, dans cette responsabilité se trouvait la garantie la plus puissante contre tout abus du droit accordé.

Quelque satisfaction qu’eût causée en Angleterre la nouvelle de l’envoi de lord Malmesbury à Paris, la défiance y était extrême au sujet des projets de la France : on redoutait toujours une agression de sa part, et le 3 pour 100 était tombé dans le courant de l’année 1796 de 67 à 53. Pitt ne pouvait donc espérer contracter le nouvel emprunt aux conditions du précédent, et avant de l’ouvrir il voulut consulter les directeurs de la banque et les principaux banquiers de Londres sur celles qu’il lui serait possible d’obtenir. De ces conférences, il résulta pour lui la certitude qu’elles ne pourraient être que fort onéreuses pour le trésor, et aussi la crainte que l’opération n’échouât, si elle était entreprise dans la forme ordinaire. Alors, plein de confiance dans le sentiment national et ne doutant pas