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qu’il ne répondît à son appel au milieu d’une situation aussi critique, Pitt résolut d’ouvrir un emprunt par souscription individuelle. Il annonça que cet emprunt serait de 18 millions en 5 pour 100, et que pour chaque versement de 100 livres sterling les souscripteurs seraient reconnus créanciers d’une somme de 112 livres 10 shillings; de plus, l’engagement était pris envers eux de les rembourser, s’ils en formaient la demande deux ans après la paix. Le taux auquel ces conditions mettaient le nouvel emprunt était assurément très élevé. Néanmoins, eu égard à la situation de la place, elles étaient loin d’offrir le moindre avantage à ceux qui les acceptèrent. Le sentiment seul du patriotisme détermina à y souscrire, et pour ce motif il reçut le nom de loyalty loan. De toutes parts l’empressement fut extrême. Le premier jour, il y eut pour 5 millions de souscriptions, et le dernier, rapporte lord Stanhope, « à dix heures, la foule se pressait aux portes de la banque; les plus éloignés, dans la crainte de ne pouvoir arriver jusqu’au registre, priaient les plus rapprochés d’y inscrire leurs noms et leurs offres; à dix heures et demie, la souscription était complète, et ceux qui n’avaient pu y prendre part s’en retournaient désappointés. Il arriva par la poste un nombre infini d’ordres dont pas un ne put être exécuté, et en quinze heures vingt minutes, réparties entre quatre journées, l’opération fut entièrement terminée. Dans cette circonstance, tout esprit de parti fut mis de côté : amis et opposans voulurent participer à une œuvre d’intérêt public, et le duc de Bedford entre autres, l’un des adversaires les plus ardens de l’administration, souscrivit pour 100,000 livres. » 125,000 livres seulement ne furent pas versées, et le capital réalisé de 17,875,000 livres sterl. constitua l’état débiteur de 20,12Z4,843ivres sterl. Après le traité d’Amiens, conformément à l’engagement pris avec les souscripteurs, les titres de la plupart d’entre eux furent convertis dans les valeurs convenues, et les remboursemens s’élevèrent seulement à la somme de 979,256 liv. sterl., que le gouvernement se procura par une émission de rentes 5 pour 100 au prix de 114 liv. pour 100.

Bientôt cependant on apprit la rupture des négociations de paix entamées à Paris, et les instructions données à lord Malmesbury ne permettaient guère de présumer qu’il en pût être autrement. Il avait été autorisé à offrir au directoire la restitution des colonies françaises prises par l’Angleterre depuis le commencement des hostilités, plus l’adjonction définitive au territoire de la république des provinces de Savoie et de Nice, mais à la condition d’évacuer l’Italie et aussi d’abandonner la Belgique. Sur ce dernier point, lord Grenville s’était expliqué de la façon la plus catégorique et avait invité lord Malmesbury à déclarer au directoire que jamais le gouverne-