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de l’Europe. Nous avons cherché la sécurité et n’avons jamais eu d’autre but dans les diverses phases de cette longue lutte. Sans doute, pour y parvenir, nous avons voulu renverser un gouvernement fondé sur des principes anarchiques; mais, si malgré nos efforts il subsiste encore, nous avons du moins réussi à dompter la fièvre révolutionnaire et à ruiner les espérances du parti jacobin, dont le système destructeur s’est anéanti lui-même par l’établissement d’un despotisme militaire. Cette leçon ne sera pas perdue pour le monde entier, et quant à nous, qui devons renoncer désormais à faire rentrer la France dans ses anciennes limites, conformons notre ligne de conduite aux événemens, et, puisque nous n’avons pu réussir complètement dans nos entreprises, cherchons du moins à nous assurer la jouissance du plus grand bien auquel nous puissions prétendre. En tenant ce langage, j’ai la confiance de ne pas être en désaccord avec moi-même, car lorsque, l’an dernier, j’ai refusé d’entrer en négociation avec le premier consul, j’ai déclaré cependant que je n’aurais aucune objection à traiter avec lui, si jamais la situation devenait ce qu’elle est aujourd’hui, et j’ajoute qu’en continuant la guerre nous aurions exposé le pays aux plus grands périls. »


Ces paroles ne permettent pas de douter des sentimens de Pitt, et, s’il eût quitté le pouvoir pour ne pas avoir à conclure la paix, il est probable qu’il se serait tout à la fois abstenu d’en diriger officieusement les négociations et d’en défendre l’opportunité ainsi que les clauses devant le parlement. Sa détermination eut donc d’autres causes que cette prétendue répugnance à traiter avec le premier consul, et les documens historiques récemment publiés ne laissent aucune incertitude à cet égard.

Depuis un an, l’Irlande était définitivement incorporée à l’Angleterre; mais l’acte qui avait réglé les clauses de l’union avait rencontré une vive résistance dans le parlement irlandais, et n’y eût peut-être pas été adopté sans l’adhésion que lui avait donnée le parti catholique. Dans diverses conférences avec ses chefs, lord Cornwallis, lord-lieutenant, et lord Castlereagh, secrétaires d’état, désireux d’assurer le succès de la mesure proposée, crurent, sans prendre aucun engagement ni faire aucune promesse, pouvoir cependant exprimer la confiance que le cabinet anglais ne serait pas contraire à une réforme de la législation concernant les catholiques : de là chez ces derniers des espérances qui déterminèrent le concours de la plupart d’entre eux et assurèrent la neutralité des autres. Non-seulement Pitt crut le gouvernement moralement engagé à leur égard, mais il était aussi d’avis qu’après les avoir assujettis pendant plus d’un siècle à un régime exceptionnel, il n’y avait plus aucun péril pour l’église, la constitution et les libertés de l’Angleterre à les faire rentrer dans le droit commun. Il soumit donc à l’examen de ses collègues plusieurs propositions ayant pour objet de modifier la formule du serment, d’accorder une rémunération au