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M. Knauss a obtenus à nos expositions ont été un encouragement pour ses compatriotes. Si nous voulons garder la suprématie, il est nécessaire de ne point perdre de temps et de redoubler d’efforts. Il ne faut point que notre vanité native nous ferme les yeux; ce n’est qu’au prix d’un labeur sans relâche que nous arriverons à nous maintenir au premier rang, et les artistes doivent d’abord apprendre à se rendre justice entre eux et bien se persuader qu’on n’a pas de talent à l’ancienneté, comme un grade de capitaine d’habillement. Des mesures plus larges les ont appelés cette année à faire partie du jury et à statuer sur les récompenses. Ils ne sont point parvenus à se mettre d’accord, et ils ont donné à rire. Dans la section de sculpture, il y a eu unanimité pour décerner la grande médaille à M. Brian, car il était mort, et cette distinction ne pouvait porter ombrage à personne; mais, dans la section de peinture, il n’en a point été ainsi : comme nul peintre exposant n’avait passé de vie à trépas, les membres du jury n’ont pu s’entendre entre eux, et il a été décidé qu’on n’accorderait pas de grande médaille. Ce fait serait peu digne d’être relevé, s’il n’indiquait chez les artistes des préoccupations un peu inférieures et des personnalités qui cherchent leur gloire hors de la grande voie du travail aboutissant au succès.

Les artistes, je le sais, aiment fort les gens qui leur brûlent de l’encens sous le nez, et volontiers ils s’imaginent que les écrivains ne sont bons qu’à cela. Il vaut mieux cependant, je crois, leur dire la vérité, dût-elle être perdue pour eux. C’est en négligeant absolument l’étude du dessin, c’est en se contentant d’obtenir des colorations agréables qu’on en est arrivé à tomber de la peinture d’histoire dans la peinture de genre, et du genre dans le paysage, et c’est ainsi qu’on a découronné l’école française. Certes les paysagistes et les peintres de genre ont parfois du talent, et souvent j’ai admiré leurs œuvres; mais les peintures faites pour les amateurs ne peuvent convenir à un grand état comme la France : quand on a nos annales, il faut avoir des artistes capables de les peindre. Où sont-ils? Je les cherche. C’est à la peinture d’histoire, à la grande peinture qu’il faut revenir sous peine de déchéance irrémissible; toute tendance vers ce but doit être encouragée et applaudie, et à ce point de vue nous trouvons que l’exemple donné par M. Gustave Moreau est respectable, méritoire et de bon augure.


MAXIME DU CAMP.