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l’humiliant rappel de la constitution du 18 novembre, qui venait d’être signée par Christian IX, et contre laquelle réclamait ardemment l’Allemagne; peu s’en fallut que la constitutionnelle Angleterre ne conseillât alors, en manière de joyeux avènement, un coup d’état. Déjà cependant les Allemands étaient sur la frontière : le ministère danois, en présence de leur attaque imminente, et pour essayer encore de détourner la guerre, offrit de proposer au conseil suprême, qui serait convoqué dans ce dessein, l’abolition légale de l’acte du 18 novembre; il quitterait les affaires, si le conseil suprême n’acceptait pas sa proposition. C’était le seul moyen de se prêter à une concession très pénible en respectant les lois. Le gouvernement anglais ne comprit cependant pas le sens de cette résolution, ou bien il feignit de ne le pas entendre : il se hâta d’annoncer aux cours de Berlin et de Vienne que le Danemark s’était formellement engagé à supprimer la constitution du 18 novembre, et il les pressa d’accepter cette mesure, offrant d’en garantir l’exécution, et de refuser désormais toute assistance au Danemark, si sa prétendue promesse n’était accomplie dans un délai de six semaines!... Mais les armées de la Prusse et de l’Autriche avaient franchi la frontière, et leur impatiente ardeur avait coupé court à l’incroyable et dangereuse confusion où la légèreté du cabinet britannique l’avait précipité, et le Danemark avec lui; l’équivoque disparaissait devant une situation différente, qui créait à l’Angleterre de nouveaux devoirs. Les cours allemandes n’avaient pas même prêté l’oreille à sa proposition; cependant l’Angleterre se contente de déplorer le sort de ceux qu’elle protège. Bien plus, elle conseille à Copenhague, quand les troupes danoises s’apprêtent à résister en avant de l’Eyder, de se retirer derrière le Danevirke, puis d’évacuer le Slesvig et de renoncer même à défendre Düppel. De l’autre côté, elle continue de promettre au nom du Danemark le retrait de la constitution de novembre, comme s’il s’y était engagé, et elle n’obtient pas même des cabinets allemands la moindre garantie, ni un mot de promesse en échange de la concession qui lui tient si fort à cœur.

Ce sont là des fautes; l’honneur de l’Angleterre est engagé à les réparer. Une grande puissance qui distribue des conseils accepte l’obligation de secourir ceux qu’elle dirige. Cette affaire est assez grave pour discréditer, en cas d’insuccès, le cabinet britannique, et, si ce nouveau malheur lui arrive, qui sait à quel prix il retrouvera une occasion de se relever devant l’opinion? Lui faudra-t-il une seconde guerre en Europe pour réparer le tort de n’avoir pas su limiter celle-ci ou la prévenir?

Si le ministère anglais est engagé de la sorte dans le conflit entre l’Allemagne et le Danemark, le suprême intérêt de la nation britannique, l’intérêt maritime, n’y est-il pas également impliqué? Donnez les admirables ports des duchés à la Prusse ou à la confédération germanique, et vous avez une marine allemande capable, d’ici à peu d’années, de balayer la Baltique et de la fermer aux flottes étrangères. Il ne faut pas s’y tromper :