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SOUVENIRS HISTORIQUES DE FRANCE ET D’ÉCOSSE.[1].

Il suffit de lire quelques romans de Walter Scott pour avoir une idée des rapports qui ont existé pendant des siècles entre l’Écosse et la France. Ce ne sont pas seulement les aventures de Quentin Durward qui nous montrent ces liens des deux pays; combien de fois, en des récits consacrés à un sujet tout différent, ne voit-on pas les Écossais du romancier faire leur voyage de France et nos Français leur rendre visite en Écosse! Il y a là un souvenir et une indication, le souvenir d’une longue fraternité perpétuée jusqu’à nos jours à travers des fortunes diverses, l’indication de recherches curieuses et qui promettaient à l’histoire une ample moisson de détails. M. Mignet, dans le premier chapitre de son Histoire de Marie Stuart, a signalé en quelques traits l’importance politique de cette amitié séculaire : « Exposée, dit-il, aux attaques continuelles du même ennemi, la France avait contracté avec l’Écosse, au XIIIe siècle, une alliance qui dura jusqu’à la fin du XVIe, et qui fut également utile aux deux pays, puisqu’elle les aida tour à tour à se délivrer des Anglais. » On sait avec quel soin les rois de France entretinrent ces relations; ils contribuèrent par tous les moyens au développement de l’Écosse, la secourant dans le péril, apaisant ses luttes intestines, ouvrant de larges débouchés à son commerce, s’entourant d’une garde écossaise qui payait ses privilèges par un dévouement à toute épreuve, donnant des titres et terres sur notre sol aux Stuarts, aux Douglas, aux Hamilton. Leur cour était ouverte à la noblesse d’Écosse, dit encore M. Mignet, « comme un asile ou comme une école. » Les relations établies par une alliance si longue et si féconde pouvaient-elles disparaître subitement à l’heure où les deux couronnes d’Écosse et d’Angleterre se trouvèrent réunies sur la même tête? Non, certes. Aux rapports politiques succèdent alors les rapports intellectuels. L’histoire des mœurs et des lettres s’enrichit de tout ce que perd l’histoire des négociations et des batailles. En un mot, ce long échange d’influences a changé de caractère, sans jamais s’interrompre, depuis les premiers temps du moyen âge jusqu’à la révolution française; curieux tableau qui manquait à l’histoire et que M. Francisque Michel vient de nous donner sous ce titre: les Écossais en France les Français en Écosse.

Avant de remercier M. Francisque Michel du soin qu’il a mis à rassembler tant de matériaux, je lui dirai tout d’abord le défaut de son livre. Il y a trop de détails, et pas assez de lumière. On voudrait plus d’art, plus d’arrangement au moins, une distribution plus juste et plus heureuse. C’est un magasin plutôt qu’un livre. Pourquoi tant de noms accumulés, tant de renseignemens généalogiques, tant d’armes et de blasons? Pourquoi les grands

  1. Les Écossais en France, les Français en Écosse, par M. Francisque Michel, 2 vol. in-8o; Paris, Herold.