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des Pyrénées[1]. La partie la plus recherchée par l’industrie n’est pas, comme on le suppose assez généralement, la racine, mais une partie intermédiaire appelée loupe, placée au-dessus des racines avant les branchages et encore enfouie entre les cailloux qui recouvrent le sol. La loupe fournit ces articles veinés et flammés dont la surface peut recevoir le poli du marbre et en a presque la dureté. De même que le buis, une matière végétale aujourd’hui très employée, la racine de bruyère, se recueille dans les Pyrénées[2].

On ne se figure certainement pas l’extrême variété des ouvrages confectionnés avec ces différentes substances. Le domaine de la tournerie fine compte près de trois mille divisions qui se transforment et se ramifient sans cesse. Quelle diversité ne présente point par exemple le groupe des jouets d’enfans avec ses ménages, ses bilboquets, ses quilles, ses toupies, etc.! La catégorie des articles d’utilité domestique, dont les produits couvrent les tables dans les salles à manger et dans les offices, remplissent les boîtes à ouvrage et les nécessaires, en offre peut-être encore davantage[3]. Parmi les spécialités les plus remarquables, on doit ranger celle des chapelets, qui dominait toutes les autres avant la suppression de l’abbaye, et qui s’en tient à peu près aujourd’hui aux produits communs et à bon marché. Les mesures linéaires métriques ont aussi leur place dans le curieux dédale des articles de Saint-Claude : elles nous font toucher au domaine de la science, au domaine des instrumens de précision; mais beaucoup d’autres articles isolés, souvent même des plus communs, réclament aussi dans le travail une extrême justesse. A défaut de la boîte à ficelle, l’un des articles de la tournerie les plus difficiles à établir, et qu’on délaisse à Saint-Claude, je puis citer le robinet. Supposez de la part de l’ouvrier dans la fabrication si active de cet article la moindre erreur de main, et le but est aussitôt manqué.

Il est une des branches de la fabrication saint-claudienne que le changement des goûts publics a rudement atteinte : c’est la fabrication des tabatières, où, grâce à d’ingénieuses combinaisons datant d’une trentaine d’années, les ouvriers de Saint-Claude ont fini par

  1. Il existe un fonds très riche en Turquie, où puise notamment l’Angleterre, et qui produit des buis gigantesques très branchus, propres à certains ouvrages de prix dont Saint-Claude ne s’occupe point.
  2. Outre les matières premières nommées plus haut, nous mentionnerons le coco, que l’on tourne aussi à Saint-Claude, et l’ivoire végétal, appelé vulgairement coroso, qui provient d’une sorte de marron, fruit d’un arbuste de l’Amérique du Sud.
  3. Deux articles de cette catégorie, les peignes et les robinets, sont précisément de ceux qui appartiennent au Bugey, où se confectionnent d’ailleurs les objets les plus grossiers et les moins chers. La petite cité d’Oyonax, entre Nantua et Saint-Claude, règne tout à fait sur la fabrication des peignes.