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ce pays, M. Schultze-Delitsch. Ces associations, appelées aussi banques du peuple, quoiqu’elles n’aient rien de commun avec l’institution qui, il y a quinze ans, a porté en France le même nom, ont produit des résultats si inattendus et si avantageux, qu’elles ont attiré l’attention de tous ceux qui prennent intérêt au progrès social. En Allemagne, M. Schultze-Delitsch passe en quelque sorte pour l’incarnation de la classe moyenne, dont il personnifie en politique les aspirations libérales. Aussi une souscription nationale de 50,000 thalers (187,500 francs) vient-elle de récompenser les efforts de l’homme qui, san3 fortune, sans subventions de l’état, a su doter son pays d’une institution qui, après dix ans, fait plus de 100 millions d’affaires.

Les banques du peuple sont un produit indirect des événemens de 1848-1849. On se rappelle que le mouvement socialiste, après avoir remué la France, avait passé le Rhin, et que, comme chez nous, il avait soulevé en Allemagne les classes populaires, si faciles à entraîner. Comme chez nous, c’était à l’état qu’elles s’adressaient pour mettre fin à leurs souffrances réelles ou imaginaires. Plus de seize cents pétitions furent ainsi adressées à l’assemblée nationale de Francfort. Le président de la commission chargée d’étudier les problèmes se rattachant à la question ouvrière, M. Schultze-Delitsch, frappé des idées anti-économiques qu’elles révélaient, en même temps que des besoins réels dont elles étaient l’expression, se convainquit dès lors de la nécessité d’amener l’ouvrier à chercher son salut en lui-même et à s’élever par ses propres efforts. Quand le triomphe de la réaction lui eut fait des loisirs, il ne s’abandonna pas, comme tant d’autres, au découragement ; mais il se mit à l’œuvre pour réaliser son projet.

Partant de l’idée que là où plusieurs personnes, prises individuellement, ne pourraient obtenir un centime de crédit, elles inspireraient, en s’associant et en s’engageant collectivement envers des capitalistes, assez de confiance pour contracter un emprunt, il imagina de créer des banques dont le fonds social se composerait : 1° de sommes empruntées par l’association ; 2° d’une cotisation mensuelle payée par les sociétaires, augmentée d’un léger droit d’admission[1]. Ainsi constituée, la banque prête à chacun des associés la somme dont il a besoin, sans cependant lui faire des avances supérieures au montant des sommes qu’il a versées, a moins d’obtenir la garantie d’un ou plusieurs de ses associés. L’emprunteur paie à la banque un intérêt qui varie entre 4 et 8 pour 100, plus une commission de 1/4 pour 100 par mois. Ces intérêts et cette commission assurent à l’association des bénéfices dont la répartition se fait annuellement entre ses membres.

Le mécanisme de ces banques, oh le voit, est fort simple, et les avantages

  1. Le droit d’admission varie ordinairement entre 1 fr. 25 c. et 1 fr. 87 c. La cotisation mensuelle est de 25 centimes. Cette cotisation est due jusqu’à rentier versement d’une certaine somme qui est portée au compte de l’associé.