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que les ouvriers parviennent à réunir le capital dont ils ont besoin, et c’est une garantie de succès dont ils comprennent l’importance, car ils ont résisté jusqu’ici à toutes les incitations de ceux qui les poussaient à réclamer le concours de l’état. Il y a là un immense progrès qu’on est heureux de constater dans les idées des classes laborieuses, et qui n’est point d’ailleurs particulier à l’Allemagne. À Bruxelles, un meeting d’ouvriers, convoqué au mois de septembre 1863, pour demander la création de pensions en faveur des invalides du travail au moyen d’un impôt sur le capital, s’est prononcé à l’unanimité contre ce projet. En France même, les ouvriers déclarent aujourd’hui qu’ils ne demandent plus rien à l’état, et qu’ils ne réclament qu’une seule chose, la liberté comme en Amérique, car c’est en effet dans notre législation que se rencontrent les obstacles les plus sérieux à la multiplication de sociétés de crédit semblables à celles de l’Allemagne. Il en existe cependant 35 en ce moment à Paris, dont la plus ancienne, la Société-mère du crédit mutuel, date de 1857. Fonctionnant d’abord comme simple caisse d’épargne, elle est arrivée, par des cotisations hebdomadaires de 1 à 2 francs, à se constituer un capital de 12,000 fr., au moyen duquel elle a pu faire à ses membres 150,000 fr. d’avances. Jusqu’à présent, cette société a opéré avec ses propres fonds, sans contracter au dehors aucun emprunt. Les autres sociétés fonctionnent à peu près de la même manière. Récemment M. Beluze a fondé une Banque du crédit au travail, dont l’objet est de faire des prêts aux associations ouvrières qui voudraient, en cas d’insuffisance de leur capital, recourir au crédit extérieur. Cette banque fait également des avances à ses propres souscripteurs, si bien qu’elle est à la fois une institution de crédit mutuel entre ses membres et une banque à l’égard des sociétés déjà formées. Enfin il vient de se constituer, sous la dénomination de Comité de propagande pour les associations coopératives, une société particulière composée d’hommes connus par leur dévouement aux intérêts du peuple, quels qu’aient été d’ailleurs leurs antécédens politiques. La présidence du Comité de propagande a été confiée à M. Batbie. Le comité se propose principalement de faire connaître au public français les résultats que les associations de crédit populaire ont produits ailleurs. En même temps il s’applique à signaler les obstacles que présente notre législation, ainsi qu’à étudier les moyens de les surmonter. C’est dans la même pensée que M. Wolowski a consacré quelques-unes de ses leçons du Conservatoire des Arts et Métiers à exposer le mécanisme de ces institutions[1]. S’adressant à un public d’ouvriers, il a cherché à leur faire comprendre tous les avantages des associations ; mais en même temps, pour les mettre en garde contre toute illusion, il a eu soin de leur rappeler ces belles paroles de Franklin : « Quiconque vous dit que vous pouvez arriver à un progrès quelconque autrement que par le travail et l’économie, ne l’écoutez pas ! c’est un

  1. Voyez la Question des banques, par M. Wolowski, 1 vol. in-8o ; Guillaumin, 1864,