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remonte le cours de la Serra ou celui de la Vezza, ce ne sont partout, aux flancs des montagnes, qu’exploitations de marbre étagées à diverses hauteurs, et reconnaissables à la longue traînée de déblais qui descend du seuil de la carrière jusqu’au niveau de la vallée. À la couleur que revêt d’habitude la pierre extraite, on dirait de loin un vaste ossuaire ou encore un amas de neige.

Le long du cours d’eau, la scène change ; on n’entend que le bruit monotone et continu des scieries, où le marbre est débité en planches par des lames d’acier disposées sur un châssis, et le grincement des frulloni, sortes de meules horizontales tournantes, où les carreaux, dégrossis à la carrière, reçoivent sur une de leurs faces le poli exigé pour la vente. Des roues hydrauliques, mues par les eaux des deux torrens, donnent la vie à tous les appareils, et le travail ne cesse ni le jour ni la nuit. Parfois des usines d’une autre espèce, comme les forges où l’on étire le fer, les moulins où l’on fabrique la poudre, les établissemens du Bottino, où l’on traite les minerais de plomb et d’argent du pays, viennent prouver au voyageur que le travail du marbre n’est pas le seul dont les habitans tirent profit. Ils exploitent même, concurremment avec le marbre, les ardoises de Cardoso, dont on se sert pour couvrir les toitures, et les schistes lustrés de la même localité, qui, réfractaires à l’action du feu, ont été employés de tout temps en Toscane pour le revêtement intérieur des foyers métallurgiques, entre autres des hauts-fourneaux à fondre le minerai de fer. Les chars à bœufs qui descendent de la montagne de Cardoso, chargés d’ardoises et de blocs de schistes, se croisent avec ceux qui portent le marbre, et le long du chemin on rencontre les bouviers des diverses carrières allant fraternellement de compagnie.

Les deux vallées de la Serra et de la Vezza sont étroites, rarement visitées du soleil. L’horizon est partout limité. Aux pentes et jusqu’aux cimes des hautes montagnes sont attachés quelques pauvres villages qu’habitent les mineurs et les carriers. Des champs de vignes, quelques prairies, des bois de chênes et de châtaigniers, plus haut le hêtre, enfin les bruyères, composent toute la végétation. L’oranger et l’olivier, le blé et le maïs sont réservés à la plaine, et ce n’est qu’entre Seravezza et la mer que la terre déploie toutes ses richesses. Là s’étend une vaste campagne qui, sous le ciel clément de l’Italie, est un véritable jardin. Des fleurs de toute espèce, aux couleurs vives et variées, s’épanouissent autour des gracieuses villas ; le long des murs l’oranger s’étale en espalier, et marie le ton doré de ses fruits au vert sombre de son feuillage. Des deux côtés de la route qui conduit de Seravezza à Pietra-Santa ou à la station de Querceta, et de là au port d’embarquement des marbres,