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ce ne sont que bois d’oliviers. L’arbre chéri des Grecs, qui l’ont transplanté sur ces rivages, empiète, tant le terrain lui est favorable, sur les fossés et jusque sur les accotemens de la route.

Si l’on revient sur ses pas, si l’on remonte la Vezza aux eaux vives et poissonneuses, on trouve à droite les carrières de la Costa ; où le marbre prend toutes les couleurs, depuis le blanc clair ou ordinaire (le blanc par excellence, le marbre statuaire seul manque) jusqu’au bleu commun ou fleuri : bianco chiaro, bianco ordinario, bardiglio comune, bardiglio fiorito, comme disent les praticiens de l’endroit[1]. Un peu plus loin, la route, déjà fort étroite et montante, se resserre et dévient plus raide. On traverse le petit village de Ruosina, puis on aperçoit à gauche, perchés à mi-hauteur, Retignano et Stazzema, et l’on arrive au Rondone, où sont les dernières carrières. Des deux côtés du chemin, d’immenses ouvertures béantes annoncent d’importantes exploitations. À la surface moussue des déblais, aux tas volumineux qu’ils forment, on peut juger à la fois de l’ancienneté et de l’étendue des travaux. La pierre, dans sa cassure fraîche, indique une autre nature de marbre ; c’est le marbre-brèche, formé d’assemblages divers, — galets de calcaire blanc ou violacé, débris de roches éruptives verdâtres, réunis et comme soudés entre eux par un ciment ferrugineux de couleur jaune ou rouge. Tous ces élémens d’origines si différentes, produits à des époques géologiques éloignées les unes des autres, se sont un jour trouvés ensemble, roulés par un de ces torrens antédiluviens dont les plus furieux parmi les torrens de l’époque actuelle peuvent à peine donner une idée. Puis toutes ces roches, broyées, pulvérisées, réduites à des échantillons de grosseurs variables, se sont rassemblées dans un milieu aqueux plus tranquille ; elles se sont déposées au fond d’un lac, d’un estuaire, ou sur les bords d’un golfe d’une de ces mers anté-historiques. Un ciment argilo-ferrugineux, mêlé d’oxyde noir de manganèse, a rapproché, agglutiné ensemble toutes les parties ; il a lié toutes ces matières hétérogènes comme par une espèce d’affinité

  1. Tous ces marbres doivent leur origine à des carbonates de chaux ou calcaires qui se sont déposés dans les mers qui couvraient cette partie du globe au temps des révolutions géologiques. Dans les marbres statuaires, le calcaire est chimiquement pur ; dans les marbres de couleur, il est mêlé de matières bitumineuses qui donnent à ces roches la teinte qui les distingue. Les matières sont répandues dans la masse, non-seulement par taches sombres ou uniformément, mais encore en filamens déliés et d’un noir très vif dans les marbres fleuris. Le bitume qui a pénétré toutes ces couches est dû soit à des matières végétales mêlées aux calcaires et qui se sont déposées avec eux, soit à des émanations souterraines. — Les marbres de Seravezza et de Carrare ne renferment aucune empreinte de coquilles ou de plantes, nul fossile, nulle pétrification. Les géologues les rattachent à l’époque jurassique, ainsi nommée parce qu’elle correspond à la période où se sont formés les immenses dépôts calcaires du Jura.