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tous ceux qui, de quelque manière que ce fût, y portaient atteinte. Cette loi, il importe de le rappeler aujourd’hui, fut rendue à la demande du gouvernement anglais, et les États-Unis firent en même temps avec la Grande-Bretagne un traité où l’on promettait une indemnité aux propriétaires anglais pour tous les vaisseaux capturés par des corsaires armés dans les ports de la république. L’acte de 1794 fut révisé en 1818 et rendu encore plus rigoureux à l’occasion de la guerre qui avait éclaté entre l’Espagne et ses colonies américaines. En 1819, le gouvernement anglais, à l’exemple des États-Unis, fit son acte de neutralité (statut 59 de George III), qui est encore aujourd’hui en vigueur et qui est en tout conforme à l’acte américain.

Puissance commerciale et pacifique, placée en dehors des agitations de la politique européenne, la république américaine avait le droit de se considérer comme particulièrement vouée à la neutralité, et il faut lui rendre cette justice qu’elle en exerça les devoirs avec une scrupuleuse fidélité. En 1817, les colonies de l’Espagne se soulevèrent contre leur métropole. La proximité des scènes du conflit, le sympathie éveillée par les efforts des insurgés, tout semblait inviter les Américains du nord à prendre une part au moins indirecte dans les hostilités. Des corsaires s’armèrent dans les ports américains ; malgré tous les efforts du gouvernement, quelques-uns échappèrent. Quand les États-Unis et l’Espagne réglèrent leurs contestations mutuelles par le traité de 1819, la république américaine ne chercha point à nier qu’elle dût une indemnité à l’Espagne pour les prises faites par les navires sortis de ses ports, et elle fit plusieurs concessions à cette puissance pour obtenir sa renonciation à cette indemnité. En 1838, le gouvernement de Washington donna les ordres les plus sévères pour empêcher les Américains de prendre part aux mouvemens insurrectionnels dans le Canada, et Webster, dans une lettre officielle, écrivait alors : « Le président me charge de vous mander que sa résolution est de réclamer une punition exemplaire pour tous ceux qui violeraient la paix publique et les lois de leur pays. »

Lorsqu’éclata la guerre de Crimée, le ministre anglais à Washington communiqua au cabinet américain une dépêche où il exposait les principes des gouvernemens alliés sur la matière. « Ces gouvernemens, disait-il, avaient la confiance que les gouvernemens des pays qui resteraient neutres pendant la guerre feraient tous leurs efforts pour faire comprendre à leurs sujets la nécessité d’observer la plus stricte neutralité, et que le gouvernement des États-Unis donnerait des ordres pour empêcher que des corsaires sous pavillon russe ne fussent équipés ou fournis de vivres dans les ports des États-Unis, etc. » Quelques mois après, la barque Maury, de New-York,