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les procès du Gran Para, du Bolivar et de la Santissima Trinidad.

Le Gran Para fut lancé à Baltimore ; les constructeurs le destinaient à faire la course pour l’une des républiques de l’Amérique du Sud. Le vaisseau fut vendu à un nommé Daniels, qui recruta un équipage de cinquante hommes et prit à bord des munitions de guerre. Il annonça son départ pour Ténériffe, mais se rendit directement à Buenos-Ayres, où il licencia son équipage. Ayant obtenu à Buenos-Ayres une lettre de marque pour faire la course contre le commerce espagnol, il recruta un nouvel équipage, où il fit rentrer presque tous les matelots qu’il avait licenciés. Le lendemain de son départ, il renvoya la lettre de marque brésilienne, produisit une commission du chef de la République-Orientale, et commença à faire la course contre la marine portugaise. Le gouvernement portugais demanda au gouvernement des États-Unis une compensation pour les importantes captures faites par le Gran Para, et soutint que ces captures étaient illégales. On allégua dans le procès que le Gran Para n’était pas un corsaire au moment de quitter Baltimore, que ce navire n’avait pris ce caractère qu’au moment où il arriva dans le fleuve de la Plata et y reçut une lettre de marque. Le chief-justice Marshall, après avoir exposé les argumens de la défense, ajoutait : « Si ces argumens pouvaient être admis dans un cas semblable, les lois qui protègent notre neutralité seraient complètement éludées. Les vaisseaux construits dans nos ports pour des opérations militaires n’auraient qu’à se rendre dans un port des belligérans, et là, après avoir obtenu une commission, les capitaines n’auraient qu’à jouer la comédie de licencier et de réengager leurs équipages pour que leurs navires devinssent des croiseurs légitimes, purifiés de toutes les souillures qu’ils auraient contractées dans le lieu où ils ont pourtant acquis leur force réelle et leur capacité pour causer un dommage. Ce serait là une neutralité frauduleuse, honteuse pour notre propre gouvernement, et dont aucune nation ne serait la dupe. Il est donc clair que l’Irrésistible (c’était le nom primitif du Gran Para) a été armé et équipé à Baltimore en violation des lois et des obligations des États-Unis comme puissance neutre. »

La seconde affaire à laquelle il faut arriver est celle du Bolivar. Ce navire était un bateau pilote de Baltimore ; il fut acheté par un certain Armstrong, qui changea les mâts et la voilure, et perça une ouverture pour un canon. Le Bolivar se rendit à Saint-Thomas, emportant un affût, une caisse de mousquets et quelques barils de poudre. Dans cette île, le vaisseau compléta son équipement et se mit à faire la course avec une lettre de marque du gouvernement de Buenos-Ayres, achetée à Washington par Armstrong,