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l’achèvement et la libre sortie de ces navires comme une sorte de participation à la guerre. Le gouvernement anglais commença une enquête qui dura jusqu’au 1er septembre. À ce moment, lord Russell déclara que les conseillers légaux de la couronne tenaient les preuves pour insuffisantes, et qu’en conséquence le gouvernement ne se croyait pas autorisé à saisir les deux navires. M. Adams devenant plus pressant, lord Russell continua de recueillir tous les renseignemens qui pouvaient l’éclairer. Le ministre des. affaires étrangères de France lui avait déjà donné l’assurance que les vaisseaux n’étaient point, comme on l’avait dit, construits pour la France. On acquit aussi la preuve qu’ils n’étaient point destinés au vice-roi d’Égypte, autre mensonge qu’on avait propagé pendant l’enquête. Le 5 septembre, M. Adams écrivait à lord Russell : « Je ne puis exprimer les profonds regrets que m’inspire la conclusion à laquelle est arrivé le gouvernement de sa majesté… Dans ces circonstances, j’aime mieux m’abstenir de communiquer à votre seigneurie les dernières parties de mes instructions qui s’appliquent à ce cas, de peur de contribuer à aggraver des difficultés qui sont déjà trop sérieuses. Je me contente donc d’informer votre seigneurie que je transmets par le présent steamer une copie de votre note pour la considération de mon gouvernement, et que j’attendrai les instructions spécifiques qui seront contenues dans la réponse. » Le 8 septembre, lord Russell, alors en Écosse, informait M. Adams que l’ordre d’arrêter les deux navires avait été expédié à Liverpool. C’est avant d’avoir reçu la dernière note de M. Adams que lord Russell affirme avoir pris la résolution d’empêcher le départ de ces vaisseaux. Sa sagesse épargna sans doute alors à l’Angleterre les malheurs que M. Adams laissait pressentir avec une réserve émue et solennelle. Lord Russell déclarait le 12 février 1862 à la chambre des lords : « Je dois dire que M. Adams n’a pas tort, quand il soutient que, si un nombre considérable de vaisseaux partent de ce pays armés et munis d’équipages, et si ces vaisseaux vont attaquer l’escadre de blocus d’une contrée avec laquelle nous sommes en paix, si de telles expéditions se préparent dans les ports des possessions de sa majesté, il y a là en premier lieu un grand affront, une insulte à l’autorité de la reine, un acte contraire à la proclamation de neutralité de sa majesté, et en second lieu une participation à la guerre en faveur des états confédérés et contre les États-Unis. »

Si les interprétations qu’on peut donner en Angleterre aux articles du foreign enlistment act rendent plus difficile en certains cas la tâche du gouvernement chargé de maintenir et de faire respecter la neutralité, elles ne sauraient le dégager de sa responsabilité envers des belligérans. Le foreign enlistment act est un statut municipal, qui n’impose d’obligations qu’aux citoyens anglais ; les devoirs